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Commerce à Cotonou: De bonnes affaires autour des meubles et électroménagers d’occasion

Société
Par   Josué F. MEHOUENOU, le 18 avr. 2018 à 06h15

Dans la ville de Cotonou et dans bien d’autres à l’intérieur du pays, il se développe depuis quelque temps un nouveau type d’affaires qui a l’air de bien prospérer. Le commerce des meubles d’occasions, de l’électroménager d’occasions et de bien d’autres objets utilitaires bat son plein. Acheteurs et vendeurs semblent faire de bonnes affaires et tous s’en contentent.

Lundi matin au quartier Gbégamey, comme des fonctionnaires attendraient le cérémonial des couleurs, une dizaine de personnes s’est attroupée autour d’un conteneur de 40 pieds. Tous attendent que les propriétaires viennent l’ouvrir pour se mettre en activité. Ils seront bientôt satisfaits, lorsqu’au bout d’une dizaine de minutes, le propriétaire de la marchandise, un El Hadj, la quarantaine, barbe sel bien taillée, descend de sa voiture. Entre temps, la foule a grossi, aussi bien des acheteurs que des ouvriers. Pas moins d’une trentaine de personnes sont présentes désormais. Tous s’empressent de saluer ‘’Aladji’’ et l’invitent à vite y aller. La fameuse caisse ouverte, on pouvait y découvrir toutes sortes d’appareils électroménagers, des fauteuils, des câbles électroniques, quelques ustensiles de cuisine. Puis au fond, une belle brochette de congélateurs et réfrigérateurs soigneusement rangés les uns sur les autres. Assis autour d’une table de fortune rejoint entre temps par l’une de ses épouses, Aladji encaisse les commandes sur la base d’une fiche. Toute la contenance du conteneur y est indiquée avec des prix indicatifs. Ce matin, la clientèle est composée plutôt des fidèles. Pas de tergiversations. Les prix sont plus ou moins connus et le reste n’est que de petits arrangements.
Dans le lot, dame Assanath, visiblement plus impatiente que tout le monde, trépigne des pieds et tourne sur elle-même. A mesure que les ouvriers vident le conteneur et satisfont les autres clients, on lit une sorte de joie mêlée à la crainte dans ses yeux. Les raisons de cette psychose ne tardent pas à se révéler. Un gros carton soigneusement protégé vient d’être sorti avec tout le soin requis. « Ma télé est là », exulte la jeune dame qui se propulse dans les bras de la femme d'Aladji ». Depuis trois mois, elle attendait cet instant. 500 000 francs Cfa pour se payer la toute dernière Smart Tv 40 pouces d’un des plus grands fabricants de télévision. Elle avait passé sa commande et attendait impatiemment la livraison. C’est désormais chose faite et la jeune dame repart, tout heureuse avec « son cadeau de mariage que lui a offert son époux après les noces ».
Mais tous ne sont pas venus chercher du neuf. Pour les autres, c’est « l’ocaz » comme on dit. Pour la plupart, ils sont intéressés par les appareils électroménagers usagers venus de France et des autres pays européens, les ustensiles de cuisine, les meubles et autres objets utilitaires. « Chacun vient selon ses besoins », lance vaguement à notre interrogation le maître des lieux. Bien souvent autour de ses conteneurs, l’ambiance est à la joie et à la surprise. Venu chercher des écrans d’ordinateur, Fiacre Nani, informaticien, s’est ravisé face à l’étalage d’Aladji. Dans les marchandises se trouve un nombre important de câbles. « J’ai trouvé deux câbles Hdmi dans le lot, l’unité à 9000 F Cfa. Je les revendrai au double ou même au triple prix d'achat », avertit-il déjà, avant de partir des lieux. En lieu et place des écrans d’ordinateur, c’est plutôt des haut-parleurs et autres petits éléments rarissimes trouvés dans les cartons que l’informaticien a préféré acheter. « Ces choses valent leur pesant d’or », sourit-il en les rangeant dans son sac, une fois la note réglée chez la femme d’Aladji.

Un business rentable

Non loin de Gbégamey à Vodjè, d’autres affairistes s’illustrent dans le même commerce. Ici, c’est un grand espace qui accueillent les objets rapportés d’Europe. Le maître des lieux qui ne dévoilera pas son identité est formel : « Mes objets viennent d’Allemagne et d’Italie ». A l’entrée de la boutique, tout indique qu’il s’agit d’une Sarl. Mais à y voir de prêt, il s’agit d’un business familial dans lequel chacun tient son petit rôle. La femme du propriétaire revend les thermos, ustensiles de cuisine et pots de fleurs. L’un des fils est le spécialiste des moquettes et objets de décoration. Le frère du propriétaire revend l’électroménager tandis que le boss lui-même se charge des meubles : tables à manger, armoires, lits, fauteuils… Un de ces objets est d’ailleurs au cœur d’un marchandage ce mardi matin : un lit, plus une grosse armoire et une table de nuit. 1 200 000 F Cfa, c’est le dernier prix, annonce-t-il. Surplace, deux acheteurs le mettent dans le dilemme. Le premier s’est montré intéressé par l’ensemble des pièces depuis une semaine. Il lui avait été dit qu’il pouvait le payer à un 1 million à condition que le lendemain, il revienne avec le cash. Priant tous les dieux pour retrouver les meubles, celui-ci n’est revenu qu’une semaine plus tard avec le même montant. Sauf qu’après lui, un hôtel de la place s’était annoncé aussi. Le prix a été majoré de 200 000 F Cfa, mais l’offre valait la peine aux yeux de ce second acheteur venu avec l’un de ses véhicules pour payer et emporter. Vifs échanges, déception au point. Mais l’offre la plus alléchante a été préférée.
Sur la question, le propriétaire des lieux estime qu’il n’y a pas commentaire. « Il n’y a pas de sentiments en affaires. Je sais ce que j’endure pour faire venir mes conteneurs », tranche-t-il. Les jérémiades de clients abusés, il n’en a que faire. Il est déjà affairé ailleurs. Chez lui, ça coule comme d'une source, « parce qu’il ne fait pas de la surenchère ». Trois moquettes dont deux neufs viennent d’être cédées à un revendeur à 250 000F Cfa. Puis s’enchainent les affaires ce matin-là. A mesure que la grande boutique se vide, des ouvriers sortent du magasin de nouveaux produits et les exposent.

Motus sur le bénéfice

La clientèle, elle, ne se fait pas prier. Elle est de toutes les gammes et se ruent sur ces nouveaux « venus de France » avec satisfaction. Les arguments avancés sont très variés. Si pour certains, c’est une question de chance, d’autres viennent se ravitailler pour la revente. Mais en général, les amateurs de ces objets convoyés pour la plupart des pays européens sont à la recherche « d’une certaine qualité ». A en croire un client rencontré en pleine négociation, « l’électroménager venu de ces pays, même s’il a été déjà utilisé en partie, est en général plus intéressant que les neufs vendus surplace ». Il y a en général « trop de contrefaçons et de faux appareils », reprend celui-ci. Le rapport qualité-prix, d’après l’analyse de Sébastien Arnaud Daga, diplômé en commerce international, est plutôt intéressant. « Ces objets ne sont pas tous hors d'usage. Il y en a qu’on a délaissés soit pour un petit défaut, soit encore parce que la garantie est passée », croit-il savoir. On y trouve également du neuf, indique-t-il. En général, expliquera le spécialiste, tout dépend des moyens et des options des commerçants qui convoient ces marchandises. Mais ce que déplore Sébastien Arnaud Daga, c’est que certains « prennent nos pays pour des dépotoirs. Non seulement ils sont prêts à nous déverser des déchets, mais les nôtres aussi sont parfois preneurs ».
Une seule chose est évidente, l’affaire semble bien rentable. Tellement rentable que ceux qui en profitent, ne veulent en dire grand-chose. « Nous faisons beaucoup de choses à la fois et il est difficile de se cramponner sur cette seule activité pour sonder le bénéfice », laissera entendre, agacé, le commerçant rencontré à Vodjè. Pourtant à côté, sa femme assure que depuis que son mari a laissé le commerce des véhicules d’occasion pour se consacrer à cette nouvelle activité, le train de vie de la famille s'est nettement amélioré. Mieux, il a introduit dans ce commerce deux de ses frères et deux de ses fils. Même s’il est le seul à s’envoler vers les pays fournisseurs, ces autres maillons de la chaîne s’en tirent eux aussi à bon compte. Une activité « tout benef’ » pourrait-on donc conclure !