La Nation Bénin...

Pour tirer au clair le treizième dossier inscrit à son rôle pour le compte de la première session de 2018, la cour d’assises de la cour d’appel de Cotonou s’est penchée, ce jeudi 19 avril, sur les coups mortels dont Cyprien
Houngbo devait répondre. Après les débats, il a été reconnu coupable des faits et condamné à cinq ans de réclusion criminelle. Il est désormais libre pour avoir déjà passé plus de cinq ans en détention préventive.
Cinq ans de réclusion criminelle.Tel est le verdict qui a sanctionné l’examen, ce jeudi 19 avril, de la treizième affaire examinée par la cour d’assises de la cour d’appel de Cotonou. Ainsi, selon la sentence, la cour a déclaré le nommé Cyprien Houngbo coupable d’avoir le 2 avril 2013 volontairement porté des coups de machette et fait des blessures avec cette circonstance que les coups portés et les blessures faites ont pourtant occasionné la mort sans intention de la donner.
A la barre, l’accusé reconnait avoir porté deux coups à la victime en réaction à ceux qu’il dit avoir reçus d’elle. Il lui aurait porté cinq coups dont un au bras, un à la joue, un autre à l’œil, un encore dans les côtes et un à la tête.
Les questions du ministère public tendaient à le confondre sur le nombre de coups reçus et les parties ensanglantées du corps. Selon le récit de l’accusé, la victime était plus baraquée que lui et il a fallu qu’il réagisse promptement pour ne pas être à sa place.
L’intervention d’Etienne Sagbo, délégué du village où le drame est survenu, n’a pas éclairé davantage la cour mais il a pu confondre l’accusé sur ses allégations d’avoir été battu par la foule, en réaction à son acte.
La lecture des pièces classiques a permis au ministère public de présenter ses réquisitions.
Le ministère public rappelle que Gandhi, figure historique du monde, a déclaré : « Celui qui refuse de pardonner coupe le pont sur lequel il doit passer », car la victoire obtenue par la violence est une défaite, poursuit-il. Revenant au dossier, il fait observer que l’accusé répond des faits de coups mortels. Il rappelle les faits, en citant expressément certaines déclarations de l’accusé au cours des étapes antérieures de la procédure. Excédé, il a porté des coups violents jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Le caractère fortuit de la rencontre témoigne de ce que ce n’est ni un meurtre, ni un assassinat.
Les trois éléments constitutifs établis
Aux termes de l’article 309 alinéa 4, pour les coups mortels, trois éléments doivent être réunis. D’abord, l’élément légal a son siège à l’article 309 alinéa 4.
L’élément matériel est le deuxième élément constitutif. Puis, il y a l’intention criminelle. Le coup résulte d’un contact entre l’auteur et la victime. La blessure évoque le sang suite à une fracture.
Les coups mortels doivent porter sur une victime humaine. L’accusé a porté des coups et faits des blessures à Nounassou Padonou. Il n’y a donc pas de doute dans la mesure où l’accusé reconnait avoir décroché son coupe-coupe pour le charcuter à mort. A la barre ce matin, déclare le ministère public, il a réitéré presque que les coups qu’il lui a portés ont occasionné son effondrement. Donc des heurts, des coups puis des blessures d’où a résulté la mort. Nounassou et l’accusé sont des êtres vivants.
L’auteur des coups mortels, selon le ministère public, doit avoir conscience qu’il est en train de porter des coups et de faire des blessures. Il a tiré des éléments justificatifs dans les déclarations de l’accusé à l’enquête préliminaire et devant le juge d’instruction. La relation de cause à effet entre les coups portés et les blessures faites et la mort est établie, justifie-t-il. Les éléments constitutifs sont réunis et le ministère public invite la cour à ne pas se laisser distraire par le conseil de l’accusé qui pourrait évoquer la légitime défense. Elle n’est admise qu’à trois conditions: l’agression injuste, la défense proportionnée à l’attaque ; ce sont des conditions cumulatives, énumère l’avocat général. La réaction de Cyprien n’est pas proportionnée à l’attaque. Pour lui, l’accusé est pénalement responsable. Il admet l’excuse de provocation et requiert que la cour le condamne à 7 ans de travaux forcés. Ce que ne conçoit pas la défense.
« Et si c’était vous qui étiez à la place de Houngbo, qu’auriez-vous fait ce 2 avril? », interroge pour le compte de la défense, Me Gracia Adjagba. Vous vous seriez défendu, s’empresse-t-elle de répondre. Et d’ajouter que c’est cela même l’instinct de survie, défendre votre vie avec tous les moyens à votre disposition, conçoit-elle. Heureusement, rassure-t-elle, que nous sommes dans un Etat de droit, car nous allons célébrer le droit, développe-t-elle. Le droit à la vie, un droit fondamental. Il existe bien la légitime défense, souligne Me Gracia Adjagba. Elle plaide qu’on acquitte purement et simplement son client.
Se fondant sur l’article 328 du Code de procédure pénale, elle développe que les éléments constitutifs de la légitime défense sont réunis.
Elle ajoute que la doctrine retient trois éléments constitutifs pour la légitime défense que sont: l’atteinte injustifiée, une riposte immédiate et la proportionnalité des deux.
« Il n’a trouvé à sa portée que la machette pour lui porter deux coups pour l’arrêter : une atteinte injustifiée pour les attaques dont Cyprien a été victime », fait-elle remarquer. « La riposte est immédiate, car il a réagi systématiquement. Par rapport à la proportionnalité de la riposte, c’est le seul moyen qu’il avait à sa portée, c’est son instrument de travail sans aucune intention de lui arracher la vie : il n’a agi que pour sauver sa peau sinon il ne serait pas présent ce jour», souligne Me Gracia Adjagba. Pour elle donc, les trois éléments constitutifs sont réunis et confortent la thèse de la légitime défense ; la doctrine retient que celui qui a exercé la légitime défense exerce non seulement un droit mais accomplit un devoir ou rétablit ce droit, relève-t-elle.
L’état de légitime défense est un fait justificatif et ne rend pas possible la constitution des coups mortels, développe Me Gracia Adjagba. Donc cela fait échec à la constitution de coups mortels retenue par le ministère public, selon la défense. « Je plaide l’acquittement pur et simple de M. Cyprien Houngbo. La jurisprudence de la cour de cassation a retenu que face à une gifle où on a administré un gourdin, que c’était la légitime défense.
« Faire justice c’est bon, mais rendre justice serait encore mieux », a déclaré Victor Hugo cité par la défense.
Puis Me Nicolin Assogba appuyant sa jeune consoeur reproche à son client de ne pas être à l’image de Jésus-Christ. Il faut faire des efforts surhumains pour y arriver, souligne-t-il, car tout le monde n’est pas Gandhi ou Jésus. « Nous plaidons la légitime défense car contrairement aux réquisitions du ministère public, nous avons relevé que les trois éléments sont réunis », réitère-t-il.
Nous ne nous entendrons pas sur le fait que sa défense était proportionnelle à l’attaque injuste, relève Me Nicolin
Assogba. Selon son argumentaire, l’attaque est proportionnée parce que l’effet de surprise est au rendez-vous. Et il ajoute que s’il n’y a pas proportion, alors il y a disproportion au détriment de Cyprien Houngbo.
Le deuxième élément de proportion, selon lui, porte sur les coups reçus par l’accusé. L’instinct de survie l’a conduit à recourir à sa machette. Dans ces conditions, y a-t-il disproportion? interroge-t-il. Non, répond-il. La réaction est au minimum proportionnelle, justifie-t-il. Comment aurait-il pu renverser une personne physiquement mieux bâtie que lui ? se demande-t-il encore. « Voilà les éléments de la proportionnalité qui vont vous conduire à trancher cette question, car si nous disposions de tous les éléments, on aurait vu que cela penche du côté de mon client », justifie Me Nicolin Assogba.
Par ailleurs, développe la défense, il n’y a aucune autopsie, pas de certificat de décès. Me Nicolin Assogba s’appesantit ensuite sur l’arrêt de renvoi pour souligner et expliquer dans quelles circonstances les coups de machette sont intervenus.
En général, explique la défense, la loi et la morale ne concordent pas, mais aussi il y a des cas où ils concordent assez extraordinairement, souligne Me Nicolin Assogba.
La légitime défense, poursuit-il, peut être non seulement un droit, mais un devoir. Morale et droit convergent dans cette hypothèse. La valeur que vous protégez, c’est la vie de celui qui se défend et qui est surpris par une attaque. Libérez Cyprien Houngbo, a-t-il plaidé.
La cour se retire et, après délibérations a condamné l’accusé à cinq ans de réclusion criminelle. Il est désormais libre pour avoir été mis sous mandat de dépôt depuis le 15 avril 2013 et pour avoir épuisé six années entières de détention préventive?
Résumé des faits
Le mardi 2 avril 2013, aux environs de 20 h, Cyprien Houngbo quitta son village Kpatchamè pour se rendre à vélo à Adohounsa, un village voisin dans la commune de Zè, pour remettre de l’argent à ceux qui ont effectué des travaux champêtres. C’est ainsi que Nounassou Padonou l’a interpellé et lui a demandé la raison pour laquelle il traverse leur village à cette heure-là.
En réponse, il lui demanda si l’Etat a interdit de circuler la nuit. Cette réponse vexa Nounassou Padonou qui tira une flèche dans le bras et blessa avec un coupe-coupe Cyprien Houngbo. Ce dernier ainsi blessé prit sa machette et lui porta des coups violents occasionnant des blessures jusqu’à ce que mort s’en est suivie.
Interpellé et inculpé de coups mortels, le sieur Cyprien Houngbo a reconnu les faits mis à sa charge à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur.
Le bulletin n°1 du casier judiciaire de l’accusé ne porte mention d’aucune condamnation antérieure.
L’examen psychiatrique et psychologique de Cyprien Houngbo révèle qu’il était en possession de ses facultés mentales et psychiques au moment des faits.
Composition de la cour
Président : Hubert Arsène Dadjo
Assesseurs : Marie Soudé-
Godonou
Christophe Atinmakan
Jurés : Makia Michel Moïse Lètchécon, Coffi Prosper Gbèdandé, Sosthène Jean Noël d’Almeida, Andréa Bachioumba.
Ministère public : Emmanuel Opita
Greffier : Christophe Chéou