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Récurrence des conflits entre agriculteurs et éleveurs: Des doléances pour une cohabitation pacifique dans le Mono

Société
De plus en plus de bœufs à nourrir, à faire paître alors  que les friches s’amenuisent De plus en plus de bœufs à nourrir, à faire paître alors que les friches s’amenuisent

Eleveurs et agriculteurs du Mono expriment des attentes pour une cohabitation pacifique. Leur vivre-ensemble dans les localités du département a été perturbé, en 2023, par de nombreux conflits dont une soixantaine ont fait l’objet de réquisitions en bonne et due forme devant les unités de la Police républicaine.  

Par   Désiré C. VIGAN A/R Mono-Couffo, le 12 févr. 2024 à 02h37 Durée 3 min.
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Le Mono a connu son lot de situations conflictuelles entre agriculteurs et éleveurs en 2023 à l’instar des années précédentes. Et si quelques-unes ont pu être réglées à l’amiable, d’autres n’ont pas connu ce sort. 63 conflits ont fait l’objet de réquisitions dans l’ensemble des six communes du département. Selon le décompte de la direction départementale de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, Lokossa aura été le gros foyer de tensions avec 26 conflits. Houéyogbé vient en deuxième position avec onze conflits survenus entre éleveurs et agriculteurs. Athiémé en a enregistré dix. Bopa en a connu neuf. Les deux autres communes du département à savoir Grand-Popo et Comé, suivent avec respectivement un et sept conflits. Mais il est heureux de constater que les situations conflictuelles n’ont pas touché toute l’étendue des territoires des communes concernées. A Lokossa, par exemple, ce sont les arrondissements d’Agamé, de Ouèdèmè et l’arrondissement central qui ont été les théâtres des conflits. Doutou ainsi que Sè et l’arrondissement central sont les localités concernées dans la commune de Houéyogbé. Kpinnou et l’arrondissement central sont les territoires touchés dans la cité des bois blancs, Athiémé.

L’évaluation des dégâts induits par ces situations qui surviennent pour la plupart entre les éleveurs de bœufs et les agriculteurs, affole par leurs statistiques. Rien que pour 2023, les dégâts matériels sont évalués à 3 179 100 francs Cfa, à en croire Aboubakar Wabi, directeur départemental de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche. 

Méfiance et hostilité

« L’ambiance de vivre-ensemble, il y a quelques années en arrière, était moins tendue entre éleveurs et agriculteurs, de sorte que la réquisition était rare », rappelle Moussa Boubacar, boucher au marché principal de Lokossa et précédemment porte-parole des éleveurs de bœufs. Analysant le nouveau contexte caractérisé par la récurrence des conflits, il retient que cela est dû au fait qu’il y a de plus en plus de bœufs à nourrir, à faire paître alors que les friches s’amenuisent du fait des superficies emblavées qui ne cessent elles aussi de s’élargir sous la pression démographique. Il se pose avec acuité, insiste Moussa Boubacar, le problème de l’alimentation des bœufs dans un contexte de cherté de la vie où l’éleveur ne peut se permettre de sédentariser, tous les jours, ses animaux, et prétendre leur acheter de quoi se nourrir. « Nous ne disposons pas d’un tel budget », tranche le boucher. Soulignant la problématique, Soulé Mama, à la tête d’un important bétail détaille: « Pour permettre aux animaux de trouver de quoi s’alimenter convenablement, il faut les faire parcourir des distances, les conduire très loin. Puisque dans le Mono comme dans le Couffo, l’urbanisation avance à grands pas. On construit partout et les exploitations agricoles aussi gagnent du terrain ». Et c’est pour contourner ces difficultés, soutiennent des agriculteurs, que les bouviers introduisent leurs animaux dans les cultures. L’opération de substitution, aux bottes de foin, des productions de maïs, du manioc, d’arachide et bien d’autres cultures, selon les exploitants agricoles, se déroule souvent la nuit. Cette pratique est une preuve s’il en est encore besoin de la mauvaise foi des éleveurs, retiennent des agriculteurs. Athanase Aguiar, porté à la tête de la Fédération des unions de producteurs du Bénin et président de la Chambre de l’Agriculture, estime que la situation conflictuelle est récurrente et alarmante surtout en saison de sécheresse et il urge de prendre des mesures conservatoires en attendant la concrétisation des projets du gouvernement pour le sous-secteur élevage. Sinon le bilan de 2024 en matière de conflits entre éleveurs et agriculteurs, prévient-il, risque de s’alourdir. Que faire alors pour que chacune des deux parties, éleveurs et agriculteurs, puisse exercer en toute quiétude ses activités ?

A ce sujet, le boucher Moussa Boubacar propose, en premier lieu, la prise d’un arrêté pour interdire toutes les activités de pâturage nocturne. Ensuite, il suggère à l’instar de la Fupro Bénin et son président Athanase Aguiar, la réquisition des zones marécageuses pour accueillir les bétails. En procédant ainsi dans toutes les communes, espèrent-ils, les bouviers seront moins tentés de conduire leurs animaux dans les exploitations agricoles. « Il va falloir qu’on déclare, dans chaque commune, les bas-fonds comme des réserves administratives pour y creuser des retenues d’eau, en faire des points de regroupement des bœufs », explique Athanase Aguiar. Parallèlement aux actes administratifs attendus, l’éleveur Soulé Mama pense qu’il serait également utile d’initier des activités de sensibilisation des communautés rurales sur le vivre-ensemble. A l’en croire, l’ambiance de cohabitation s’est considérablement dégradée de sorte que agriculteurs et éleveurs se regardent désormais avec méfiance et hostilité dans presque toutes les localités. Soulé Mama jure qu’il se développe un sentiment d’intolérance qui justifie l’échec répété des règlements à l’amiable, obligeant le département du Mono à faire face à un important taux de conflits déférés devant les juridictions, soit 63 situations conflictuelles pour le compte de 2023. Il en appelle à l’implication des élus, depuis les chefs de village jusqu’aux maires, pour améliorer la perception et l’accueil réservés aux bouviers qui, dit-il, ne sont que des ouvriers au service des éleveurs de nationalité béninoise.