La Nation Bénin...

Lutte contre le blanchiment de capitaux et le terrorisme: Les solutions du Fmi pour corriger les faiblesses

Economie

Malgré les progrès des dernières années, le Bénin a encore du chemin à faire en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le Fmi fait des recommandations afin de combler les lacunes de gouvernance.

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 03 mai 2023 à 07h49 Durée 3 min.

Absence de supervision basée sur les risques pour les professions non financières désignées, exploitation insuffisante des informations financières, faible nombre de poursuites, inefficacité des mécanismes de confiscation, coopération internationale limitée… La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Lbc-Ft) reste confrontée à de sérieuses lacunes, selon un Rapport d’évaluation mutuelle (Rem) du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba). En réponse, les autorités béninoises ont adopté un plan d’action pour faire face à ces lacunes.
Le Fonds monétaire international (Fmi), dans son dernier Rapport technique Diagnostic de la gouvernance sur le Bénin publié en février dernier, salue « un signal encourageant pour la volonté politique à haut niveau d’entreprendre les réformes nécessaires ». Autrement, l’absence d’une action résolue pourrait conduire à court terme à une inscription sur la liste du Groupe d’action financière internationale pour cause de carences stratégiques en matière de Lbc-Ft, avec pour conséquences possibles des pressions sur les relations interbancaires et sur le coût des emprunts, alerte-t-il.
Il est question de mobiliser la boîte à outils Lbc-Ft dans des efforts plus larges de lutte contre la corruption et les autres infractions sous-jacentes en termes de génération de revenus criminels que sont la contrebande, la fraude fiscale, la cybercriminalité, les trafics d’êtres humains ou de drogue. Le Fmi recommande une évaluation thématique des risques de vulnérabilités sectorielles à la corruption et des tendances des flux de produits de la corruption tant à l’intérieur du pays (vers des secteurs comme l'immobilier, les industries extractives, etc.) que vers les flux en dehors du Bénin.

Synergie

Les priorités politiques et institutionnelles devront porter sur une coordination accrue entre la Cellule nationale de traitement des infractions financières
(Centif) et les autorités en charge de la lutte contre la corruption, ou encore la recherche d’une complémentarité entre le régime des déclarations de patrimoine et les obligations imposées aux personnes politiquement exposées (Ppe). De façon spécifique, la Centif est exhortée à améliorer la coopération avec les superviseurs régionaux et à explorer les voies d’une action conjointe pour rendre meilleure la supervision basée sur les risques. Elle est également appelée à préparer régulièrement des orientations relatives aux obligations préventives afin d’aider les entités déclarantes à mieux appliquer les contrôles dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et à améliorer le reporting des transactions suspectes. Une plus grande coopération entre la Centif et le Haut-Commissariat à la prévention de la corruption (Hcpc) permettrait un partage proactif des renseignements financiers liés à la corruption.
La Brigade économique et financière (Bef), pour sa part, est appelée à améliorer sa coopération avec le Hcpc et les autres entités de poursuite pénale, notamment la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), la Cour spéciale des affaires foncières. Elle devra assurer une enquête systématique sur la dimension Blanchiment d’argent lorsqu’elle est saisie d’infractions sous-jacentes, pour veiller à ce que les procédures systématiques soient conduites et établir les mécanismes pour la gestion des actifs saisis.
Sur le plan régional, la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) a pris à bras-le-corps le phénomène. Convaincue que seul l’assèchement des sources de financement des activités des groupes terroristes permettra de les combattre avec succès, elle milite pour une meilleure connaissance des modes de financement du terrorisme et le renforcement de l’échange de renseignements financiers entre les Etats membres de l’Union. A cet effet, un atelier de formation des experts nationaux a été organisé, en collaboration avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (Onudc), du 24 au 28 avril 2023 à Abidjan, pour consolider la coordination nationale et la coopération régionale entre les autorités d’enquête et de poursuite.

Collecte de données

Le respect des obligations par les établissements et professions non financières désignées (Epnfd) reste aussi une priorité, d’où il importe de développer des outils basés sur les risques pour leur surveillance. Le décret 2022-350 du 22 juin 2022 désigne le Comité national de coordination des activités en matière de Lbc-Ft (Cnca) comme superviseur sectoriel pour tous les Epnfd, à l’exception du secteur des jeux et casinos et de celui de l’immobilier.
Des mesures telles que la digitalisation du cadastre et l’obligation de recourir aux notaires pour toutes les transactions immobilières contribueront à réduire les transactions informelles et l’absence de supervision dans le secteur immobilier. La mise en place d’une base juridique est préconisée pour la collecte d’informations sur les bénéficiaires effectifs à l’occasion des transactions foncières impliquant des personnes morales. Il est attendu que l’Agence nationale du domaine et du foncier (Andf) renforce son effectif et la compétence de son personnel dans la supervision basée sur les risques dès cette année. Outre la surveillance basée sur les risques dans le secteur de l’immobilier, l’accent sera mis sur l’amélioration de l’application des mesures préventives par les notaires ainsi que leur coopération avec d’autres autorités publiques et l’élargissement de la base de données de l’Andf pour y inclure des informations sur les bénéficiaires effectifs, accessibles aux autorités compétentes. L’Agence doit avancer vers la publication des données relatives à la propriété foncière et immobilière (propriétaires légaux et bénéficiaires effectifs).