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Chaîne de valeur de la pisciculture: De l’étang à l’assiette

Economie
Des commerçantes transportant du poisson fumé, prêtes à approvisionner les ménages Des commerçantes transportant du poisson fumé, prêtes à approvisionner les ménages

En plein essor, la pisciculture au Bénin offre des opportunités économiques majeures pour les éleveurs, transformateurs et commerçants. Cependant, des défis persistants, comme l'accès aux intrants et au financement, freinent le développement de ce secteur clé.

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 02 oct. 2024 à 07h29 Durée 4 min.
#pisciculture au Bénin

La pisciculture apparaît comme l'une des solutions prometteuses pour répondre à la demande croissante en produits halieutiques au Bénin. Face à une population en pleine croissance et à une consommation accrue de protéines animales, ce secteur attire de plus en plus l'attention des autorités et des investisseurs. Pourtant, bien qu’elle regorge d'opportunités, la filière piscicole est confrontée encore à des obstacles qui limitent son plein potentiel. En effet, le Bénin bénéficie d’un environnement naturel propice à l’élevage de poissons, avec des rivières et plans d’eau qui se prêtent parfaitement à l’aquaculture. Les éleveurs se concentrent principalement sur des espèces comme le tilapia et le poisson-chat. La demande de poisson local ne cesse de croître, stimulée par les politiques gouvernementales encourageant la consommation des produits nationaux. « Vous n'êtes pas sans savoir que le poisson des eaux dans le milieu naturel n’existe plus tellement et les poissons importés ont envahi le terrain. Donc beaucoup préfèrent les poissons frais qui sont mieux que ceux importés. Surtout le tilapia sur le marché local », indique Claude Dénakpo, pisciculteur résidant à Zinvié dans la commune d’Abomey-Calavi. La pisciculture offre aux éleveurs une opportunité d'améliorer leurs revenus et de contribuer à la sécurité alimentaire du pays. Le gouvernement a mis en place des programmes de formation et d’accompagnement technique pour les pisciculteurs, leur permettant d’accroître leur productivité. Le Projet de promotion de l'aquaculture durable et de compétitivité des chaînes de valeur de la pêche (Promac) en est un exemple. « Le gouvernement, à travers les structures déconcentrées, a pris des initiatives salutaires en accompagnant les producteurs et même en faisant venir tout récemment des souches de croissance performantes. Nous espérons bien que lorsque ces souches seront mises sur le marché, qu'elles donneront les résultats escomptés », confie le pisciculteur Claude Dénakpo. Toutefois, les producteurs font face à des difficultés énormes pour accéder à des intrants de qualité, tels que les alevins et l’alimentation spécialisée. Les coûts élevés de ces produits freinent leur développement, de même que l’insuffisance d’infrastructures, comme les bassins d’élevage modernes et les systèmes d'irrigation adéquats. «L'accès à des intrants abordables et à des financements est crucial pour renforcer notre activité », souligne Claude Dénakpo.

Maillon essentiel

Après la production, la transformation des poissons est une étape clé pour ajouter de la valeur aux produits. Les petits transformateurs, souvent des femmes, jouent un rôle fondamental dans cette phase, en fumant, séchant ou préparant le poisson pour la consommation directe. « Il y a longtemps que j’exerce ce métier. La majorité de mes enfants y sont aujourd’hui impliqués. On en tire nos revenus quotidiens », confie Ablawa Thérèse Tossou, ouvrière au fumoir à poissons à Cotonou. Aujourd’hui, le marché des produits transformés est en pleine expansion, notamment en milieu urbain comme Cotonou, Abomey-Calavi et Porto-Novo où des marchés spécifiques y sont même dédiés. Les produits de la pisciculture trouvent preneurs sur les marchés locaux et régionaux. Pour les transformateurs, cette activité permet non seulement de diversifier leurs sources de revenus, mais aussi de mieux répondre à la demande croissante des consommateurs. Toutefois, le secteur souffre d’un manque d’équipements modernes pour assurer une transformation de qualité. Le besoin en infrastructures de stockage et de conservation, comme les chambres froides, se fait également sentir. « Nous devons moderniser nos méthodes de transformation pour rester compétitifs sur le marché et respecter certaines normes sanitaires. Lorsqu’il y a mévente, la conservation du poisson devient un problème », affirme Ablawa Thérèse Tossou. La dernière étape de la chaîne de valeur concerne la distribution des produits piscicoles. Les commerçants assurent le lien entre les producteurs et les consommateurs finaux via les transformateurs, en fournissant du poisson frais ou transformé sur les marchés. Les marchés locaux, notamment dans les grandes villes comme Cotonou, Abomey-Calavi et Porto-Novo sont en demande constante de poissons frais et transformés. « Une fois au marché, les femmes passent surtout les soirs à la sortie de service s’approvisionner. Elles confient qu’elles affectionnent cuisiner avec ces poissons sains, au bon goût et très nourrissants », fait savoir Sidonie Kpèdio, commerçante de poissons fumés à Cotonou. La pisciculture béninoise bénéficie également de nouvelles opportunités d’exportation vers les pays voisins et au-delà. Cependant, l’accès à des réseaux de distribution efficaces est un véritable défi. Le manque de moyens de transport adaptés augmente les coûts et réduit la compétitivité des acteurs locaux. « Il faut que l’État nous appuie en mettant à notre disposition des moyens de transport et de distribution. C’est essentiel pour faire croître notre activité », implore Sidonie Kpèdio.

Défi transversal

À chaque étape de la chaîne de valeur, l'accès aux intrants de qualité et au financement demeure un obstacle majeur. Les pisciculteurs, tout comme les transformateurs et commerçants, peinent à obtenir des crédits pour développer leurs activités. « L’accès au financement est un véritable problème pour le secteur agricole en général et le secteur piscicole est perçu comme risqué par les banques, ce qui limite les financements », déplore Claude Dénakpo, pisciculteur résidant à Zinvié. Il explique qu’en fait, les conditions d’accès ne permettent pas à ce qu'un paysan ou un jeune entrepreneur bénéficie facilement du financement. « On vous demande d'apporter une garantie et le plus souvent un titre foncier. Quel jeune sorti fraichement de l’école et ayant envie de se lancer dans l'entrepreneuriat peut disposer de titre foncier ou de garantie pour obtenir un crédit bancaire ? », se demande-t-il. Des réformes du système bancaire et des programmes spécifiques de soutien financier pourraient permettre de lever ces obstacles et de dynamiser l’ensemble de la chaîne. D’où l’utilité des agences telles que l’Agence de développement des petites et moyennes entreprises (Adpme) et le Fonds national de développement agricole (Fnda) qui accompagnent aujourd’hui les jeunes entrepreneurs surtout agricoles. Pour que la pisciculture béninoise atteigne son plein potentiel, il est nécessaire d’investir dans des infrastructures modernes et de faciliter l’accès au financement pour tous les acteurs de la chaîne de valeur. L’intégration des nouvelles technologies, tant dans la production que dans la transformation et la distribution, pourrait permettre au secteur de se moderniser et d’améliorer sa compétitivité, aussi bien sur le marché national qu'international. En dépit des défis, la pisciculture reste un secteur porteur pour l'économie béninoise, avec un fort potentiel de création d'emplois, de lutte contre l'insécurité alimentaire et de contribution au développement durable■