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Economie vivrière et petits commerces saisonniers: La vente de l’igname au bord des routes

Economie
Empilés avec soin, les tubercules attendent acheteurs  au bord des routes Empilés avec soin, les tubercules attendent acheteurs au bord des routes

Depuis le mois d’août, c’est la saison de l’igname au Bénin. Ce tubercule, symbole de fertilité et de prospérité selon la tradition, envahit marchés et abords de routes. A Parakou, Tchaourou et dans les localités environnantes, de nombreuses femmes se lancent dans sa commercialisation. 

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 22 sept. 2025 à 10h53 Durée 3 min.
#Economie vivrière et petits commerces saisonniers

Aux abords de la voie inter-Etats à l’entrée sud de Parakou, les yeux du voyageur sont attirés par une enfilade de tas d’ignames soigneusement disposés. Les tubercules, empilés par variétés et par grosseur, attendent des clients : automobilistes de passage, motocyclistes, riverains ou autres commerçants de détail. Les prix varient de 1 500 à 3 000 francs Cfa selon la variété, la taille et la qualité. La scène n’est pas nouvelle. Chaque année, dès le mois d’août, les abords des routes de Parakou, Tchaourou et des environs se transforment en véritables marchés à ciel ouvert. La fête de l’igname, célébrée le 15 août à Savalou et dans plusieurs autres localités, a marqué la disponibilité officielle de ce tubercule sur les marchés. Depuis, la campagne bat son plein et de nombreuses femmes s’y engagent. Il s’agit d’une activité saisonnière pour certaines et un véritable complément de revenu familial pour d’autres. Parmi ces femmes, on en découvre qui sont des vendeuses habituelles de vivriers qui ajoutent l’igname à leur palette de produits saisonniers. D’autres sont de simples ménagères ou de petites entrepreneures qui saisissent l’occasion pour arrondir leurs fins de mois. « Nous achetons directement chez les cultivateurs dans les champs. Ensuite, nous exposons ici au bord de la route. C’est plus pratique, car les passants s’arrêtent

facilement », explique Alimatou, vendeuse saisonnière d’ignames depuis plusieurs années à Parakou. Le commerce au bord des routes profite aussi aux cultivateurs. Faute de structures de stockage ou de réseaux de distribution organisés, beaucoup de producteurs préfèrent céder leur récolte directement aux revendeuses. Celles-ci avancent parfois de l’argent pour garantir l’achat d’un périmètre de récolte, créant ainsi un circuit court entre le champ et le consommateur. « Sans ces femmes, il serait difficile d’écouler toute notre production. Elles viennent jusqu’au champ, négocient et achètent sur place. Nous, on gagne du temps et on évite le transport », confie Raimi Tchassouké, cultivateur d’ignames à Tchaourou.

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Enormes opportunités

 

A Parakou, Tchaourou et environs, l’igname n’est pas seulement un aliment de base, c’est aussi un levier économique pour les femmes. Certaines parviennent à dégager des bénéfices substantiels en quelques semaines. « Je vendais des condiments. Mais quand la saison de l’igname arrive, je renforce mon activité avec la vente de ce tubercule. C’est plus rentable. Avec mes bénéfices, je peux assurer la rentrée scolaire de mes enfants », confie Alimatou. Pour d’autres, l’activité reste plus modeste. Certaines ménagères investissent de petites sommes pour acheter quelques dizaines de tubercules qu’elles écoulent petit à petit, espérant mobiliser de quoi assurer la subsistance familiale. Si ce commerce saisonnier est une bouffée d’oxygène pour beaucoup de foyers, il n’est pas exempt de difficultés. Les prix connaissent de fortes fluctuations selon l’abondance de la récolte, la variété et la spéculation sur les marchés. « Les clients négocient beaucoup et parfois, on est obligé de vendre à perte. En plus, il y a la concurrence. A chaque carrefour, vous trouvez des femmes avec leurs tas d’ignames », déplore Adjara, vendeuse rencontrée à Tchaourou. Les conditions de vente posent également problème. Exposées au soleil, à la poussière et aux risques liés à la circulation, ces commerçantes exercent souvent dans des conditions précaires. Dans certains cas, les autorités locales tolèrent ces installations, dans d’autres, elles procèdent à des déguerpissements pour libérer les abords des routes. « Nous restons en alerte tout le temps puisque les autorités locales et la police peuvent débarquer à tout moment et ramasser nos marchandises », indique Adjara. 

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Activité vitale

 

L’igname, au-delà de sa valeur marchande, conserve une forte dimension culturelle et symbolique. Aliment de base dans plusieurs régions du Bénin, elle est au centre de nombreuses traditions. La fête des ignames, célébrée chaque année, marque le début de sa consommation officielle et reste un moment de rassemblement identitaire. Dans ce contexte, sa commercialisation ne relève pas seulement de l’économie. Elle traduit aussi l’importance de ce tubercule dans la vie sociale, religieuse et culturelle des communautés. Face à l’importance de cette activité, certains acteurs suggèrent une meilleure organisation des circuits de distribution. Des espaces aménagés au bord des routes, des points de vente encadrés ou encore des coopératives de vendeuses pourraient améliorer les conditions de vente des commerçantes et renforcer leur pouvoir de négociation. « Si nous étions regroupées en associations ou coopératives, on pourrait mieux discuter les prix avec les producteurs et éviter la spéculation. Nous avons besoin aussi de cadres appropriés pour vendre », estime Adjara, vendeuse rencontrée à Tchaourou. En attendant, la vente d’ignames au bord des routes reste une activité vitale pour de nombreuses familles. Dans un contexte marqué par la hausse du coût de la vie et la précarité des revenus, chaque saison offre une fenêtre économique à saisir. L’igname devient ainsi, le temps de quelques mois, un véritable moteur de survie et de résilience économique. Pour ces femmes, ce tubercule n’est pas seulement un produit agricole : c’est une source de dignité, d’autonomie et de perspectives pour leurs enfants■

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