La Nation Bénin...
Face à un système fiscal jugé peu adapté aux réalités
économiques, le secteur privé béninois soumet aux autorités sa plateforme 2025
de propositions fiscales. Elle comporte onze mesures phares visant à corriger
les déséquilibres, renforcer la compétitivité des entreprises et améliorer le
climat des affaires.
Le Groupe de travail Fiscalité (Gtf) du secteur privé
publie sa plateforme 2025 de propositions visant à corriger certaines
injustices fiscales, renforcer la compétitivité des entreprises et améliorer la
mobilisation des recettes publiques. En adressant cette plateforme au ministère
de l’Economie et des Finances, ce regroupement d’organisations
professionnelles, d’entreprises, de cabinets d’études et d’experts fiscaux
entend influencer positivement la loi de finances à venir.
Sur la base d’audiences fiscales menées dans plusieurs
secteurs, la première mesure préconisée concerne le relèvement de la part
professionnelle déductible des charges mixtes. Actuellement limitée à 30 %,
cette déduction est jugée insuffisante dans un contexte où les entreprises
utilisent souvent des biens personnels à des fins professionnelles. Le secteur
privé propose de la porter à 50 %, afin de mieux refléter les réalités
économiques.
Le Code général des impôts impose un minimum de 500 000 F Cfa aux personnes physiques exerçant en régime réel. Ce montant est jugé excessif, surtout comparé aux 250 000 F Cfa appliqués aux personnes morales. Pour plus d’équité fiscale, le secteur privé demande un alignement à 250 000 francs.
Le Gtf propose aussi d’instaurer un abattement de 25 %
pour frais professionnels sur les salaires, ainsi qu’une réduction d’impôt
tenant compte du nombre d’enfants à charge. Cette réforme s’inspire des
systèmes déjà en vigueur dans plusieurs pays de l’Union économique et monétaire
ouest-africaine (Uemoa) où des allègements similaires existent pour soutenir le
pouvoir d’achat des ménages.
Revoir l’Aib et la Tva sur des produits locaux
Actuellement, les taux d’acompte sur impôt (Aib) varient
selon l’immatriculation fiscale du prestataire. Le secteur privé recommande de
fixer un taux unique de 1 % pour tous les contribuables immatriculés et de maintenir
un taux de 5 % pour les non-immatriculés. Cette harmonisation favoriserait la
formalisation des acteurs économiques et améliorerait la prévisibilité fiscale,
selon le Gtf.
Le crédit Aib non imputé à l’issue de l’année fiscale
reste inutilisé. Le secteur privé suggère qu’il puisse être remboursé à la
demande du contribuable. Une telle mesure contribuerait à améliorer la
trésorerie des entreprises, sans nuire aux recettes fiscales.
Publiée par la Chambre de commerce et d’industrie
(Cci-Bénin), la plateforme recommande par ailleurs l’exonération de la taxe sur
la valeur ajoutée (Tva) sur la commercialisation et la transformation des
produits cultivés au Bénin, dans le but de protéger la production locale face
aux produits importés, souvent subventionnés, qui inondent le marché à des prix
plus bas. Une fiscalité incitative renforcerait l’écoulement des produits
béninois et stimulerait les investissements agro-industriels.
Le collectif Gtf fait également observer que les
entreprises du secteur des Bâtiments et Travaux publics (Btp) rencontrent des
difficultés pour obtenir des factures normalisées dans les zones reculées.
Cette contrainte fragilise leur comptabilité et les expose à des redressements
fiscaux. La plateforme propose donc d’établir un taux de marge standard par
consensus entre la direction générale des Impôts (Dgi) et les acteurs du
secteur.
Corriger le traitement fiscal
Les officines de pharmacie sont actuellement soumises à
un taux de marge de 30,8 % lors des contrôles fiscaux. Le secteur privé juge ce
taux obsolète et propose de le ramener à 26 %, tout en actualisant la
monographie de la profession et l’arrêté interministériel de 2002 qui le fixe.
En lieu et place de ristournes financières, les
grossistes offrent souvent des produits pharmaceutiques en nature aux
officines. L’administration fiscale les considère comme de nouveaux achats, ce
qui gonfle artificiellement le chiffre d’affaires. Le secteur privé demande que
ces avantages soient considérés comme des réductions commerciales et non comme
des ventes.
La taxe professionnelle synthétique (Tps), actuellement fixée à 5 %, s’avère pénalisante pour les petites entreprises. Le secteur privé propose de ramener ce taux à 2 % afin de stimuler la fiscalisation volontaire et d’attirer davantage d’acteurs du secteur informel vers le régime déclaré.
Pour éviter les disparités entre communes et soulager les
exploitants miniers, la plateforme suggère d’unifier les tarifs de la
contribution au développement local (Cdl). Elle propose de supprimer le tarif
au mètre-cube pour les substances de carrière de catégorie A, et d’appliquer à
tous un tarif par camion, compris entre 2 000 et 5 000 F Cfa.
Outre ces onze propositions centrales, la plateforme
suggère plusieurs mesures additionnelles. Il s’agit notamment de créer un
statut fiscal spécifique pour les activités numériques, de faciliter les
procédures de cessation d’activité, ou encore de renforcer les campagnes de
formation à la fiscalité pour inciter à la formalisation.
L’adoption de ces mesures permettrait à la fois d’améliorer la compétitivité des entreprises béninoises et de renforcer la confiance entre contribuables et administration fiscale. Le Groupe de travail Fiscalité du secteur privé, mis en place depuis 2007, espère que ces propositions seront prises en compte dans le cadre du prochain exercice budgétaire.
Les propositions serviront de base à un plaidoyer structuré en direction des pouvoirs publics, pour aboutir à une fiscalité plus juste mais aussi plus efficace en matière de mobilisation des ressources