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Situation des entreprises publiques: Cri de détresse à la SITEX

Economie
Par   LANATION, le 27 oct. 2016 à 05h03

La société des Industries textiles du Bénin (SITEX) de Lokossa peine à sortir de son coma profond. Mais les travailleurs de l’entreprise y croient toujours, espérant un coup de pouce des nouvelles autorités du pays.

«SITEX, çà existe encore ?». La question est assez souvent adressée à ce qui reste du personnel de la société des Industries textiles du Bénin (SITEX) de Lokossa. Cette unité industrielle, l’un des fleurons économiques du Mono, a effectivement perdu son prestige d’antan bien qu’une poignée de travailleurs s’emploie vaille que vaille de la maintenir en vie. «Nous existons mais la situation n’a pas trop évolué. Nous comptons sur nos propres forces et Dieu nous assiste», devise Innocent Toutou, assistant de l’administrateur délégué de la société. Pour lui, la renaissance attendue de la SITEX n’est pas toujours au rendez-vous, faute de moyens. Pourtant à la mise en place de l’administration provisoire en 2005, les travailleurs avaient nourri l’espoir de retrouver les chemins de l’usine. Onze ans après, le bilan est peu reluisant. «Nous vivons depuis dans une certaine précarité. Le vrai goulot d’étranglement de la société, c’est l’absence de fonds de roulement», poursuit Innocent Toutou. Il soutient que si l’entreprise n’a pas encore mis les clés sous le paillasson, c’est grâce à l’endurance de l’administration provisoire et l’abnégation des travailleurs rappelés.

Restructuration ?

« Depuis la relance des activités en 2005, nous avions concocté un plan de relance de la SITEX. Si le financement que nous avions sollicité avait suivi, on aurait parvenu au redressement total de l’entreprise», se défend Jean Agbotan, directeur commercial de la société.
Le Plan de restructuration et de relance des activités de la Sitex, approuvé en février 2005 par le Conseil des ministres, se décline en trois axes, à savoir la reconnexion de la société à son segment de marché après trois ans d’absence, à partir d’un financement de 220 715 041 F CFA, l’évaluation de la première phase et la réhabilitation des équipements productifs grâce à un appui financier de 250 821 500 F CFA de l’Etat ainsi que la mise à disposition d’un fonds de roulement. Les deux volets du plan ont obtenu l’appui du gouvernement en avril 2009. Mais le fonds de roulement n’a jamais été une réalité.
«Sans fonds de roulement, nous avons les mains liées. Nous ne pouvons pas nous approvisionner convenablement et faire face aux diverses charges. Nous nous battons au quotidien pour poursuivre car la vie du personnel en dépend », précise Bernard Soglohoun, chef du service des affaires financières. Aujourd’hui, avec un effectif réduit au tiers, la SITEX stagne à une production de 300 mille mètres de tissus écrus par mois contre une capacité mensuelle de production de 1 million 250 mille mètres de tissus. La situation financière de la société est décrite comme «celle d’une entreprise en faillite avec un taux de paupérisation de 253,38% et mise en restructuration, fortement endettée et sans fonds de roulements, à équipements vétustes et obsolètes». Le cas de la société s’est aggravé par les chômages techniques des périodes de cessations d’activités observés en 2010, 2011 et 2013 du fait de l’indisponibilité de coton sur le marché béninois, et a généré des cumuls d’impayés salariaux.

La relance est-elle possible ?

Pourquoi trainer alors un cadavre sous prétexte que la séparation est douloureuse ? Pour les travailleurs et l’équipe dirigeante, il est encore possible de sortir la SITEX de son coma. «Nous appelons les autorités de la Rupture à donner une dernière chance à la SITEX et nous sommes déterminés à nous battre pour sauver nos emplois», plaide un travailleur de l’atelier de tissage. Bien que les équipements soient obsolètes, l’administration défend la viabilité de la société, du fait que la SITEX produit avec des outils mécaniques. «Nos équipements sont mécaniques et cela nous facilite la maintenance. Le fonds de réhabilitation dont nous avons disposé en avril 2009 nous a surtout permis de remettre nos équipements en forme», confie l’assistant de l’administrateur délégué qui estime que la SITEX techniquement est capable de tourner à plein régime. Il soutient que la recapitalisation et le financement de son fonds de roulement permettront à l’entreprise de se remettre en selle.
La SITEX est dotée d’équipements de technologie classique comprenant une filature de 21 400 broches et de 720 métiers à tisser à navettes battant 166 coups à la minute. Seulement 120 métiers sont exploités, faute de moyens. Pourtant, la société n’arrive même pas à satisfaire la demande qui s’accroit à cause de la bonne qualité de son tissu.
L’état actuel de l'entreprise préoccupe les travailleurs d’autant qu’ils voient la Compagnie textile du Bénin (CTB) lui ravir la vedette alors qu’elle était à l’origine de sa création. La SITEX détient 49% du capital, après avoir contribué à hauteur de 490 millions à son installation. Il se trouve que la société n’a jamais directement perdu de dividendes sur les bénéfices de la CBT. «Nous voulons que nos 490 millions nous soient rétrocédés pour servir à couvrir une partie de notre fonds de roulement», suggère d’ailleurs un travailleur qui garde une dent dure contre l’opération de financement de la création de la CTB. Aux portes du désespoir, administration et travailleurs lancent le cri de détresse afin que l’Etat décide réellement du sort qu’il entend bien leur réserver.

SITEX, de la gloire à la décadence

Fruit de la coopération sino-béninoise, la SITEX a été créée le 7 mai 1987. Elle était spécialisée dans la production et la commercialisation de tissu écru 100% coton, support d’impression de fancy, initialement destiné à la Société béninoise de textiles (SOBETEX) qui importait annuellement 15 à 20 millions de mètres d’écru. Elle a connu ses périodes de gloire dans les années 1996 à 1998, avant de succomber à ses contre-performances internes et surtout à la crise du secteur textile en 2002. L’entreprise a totalement fermé en novembre 2004 à la suite d’un licenciement collectif du personnel qui a engendré le paiement de plus d’un milliard de droits de licenciement. A sa fermeture, la SITEX avait une dette de 5,2 milliards de F CFA, avec un cumul de pertes antérieures de 6,6 milliards F CFA qui indique une structure financière décadente, un fonds de roulement négatif de 1,8 milliards, des capitaux propres négatifs de 3,8 milliards et un taux de paupérisation de 253,38% contre un plafond de 50% fixé par l’OHADA.
En 2005, une administration déléguée a été mise en place pour liquider les affaires courantes. Cette mission nécessitait d’engager 13,9 million F CFA mensuellement pour éviter l’encrassement des équipements et assurer d’autres charges pendant que l’usine restait inactive. En l’absence de financement de cette dépense pérenne à fonds perdus, l’administrateur délégué a conçu le plan de restructuration et de relance des activités dont la réalisation conséquente s’est heurtée au non financement du volet fonds de roulement.