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Bienvenue Sabi Yo Orou à propos de la promotion de l’économie verte: «Il est important de savoir que le marché existe»

Environnement
Docteur Bienvenue Sabi Yo Orou Docteur Bienvenue Sabi Yo Orou

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Par   Propos recueillis par Alexis METON A/R Atacora-Donga, le 10 août 2023 à 08h06 Durée 3 min.
#économie verte
La Nation : L’économie verte est désormais une option pour la préservation durable de l’environnement. Que conseillez-vous aux autorités pour mieux promouvoir cette stratégie ?

Bienvenue Sabi Yo Orou : A l’État, aux mairies et aux partenaires, je suggère que l’accent soit mis sur les questions de l’économie verte et la création d’emplois autour de ses métiers. Il est important de savoir aujourd’hui que si un jeune arrive à produire du charbon, il y a un marché potentiel. S’il arrive à produire du biochar combiné à la fumure animale ou organique, il y a le marché. Que ce soit les producteurs de riz, les maraichers, beaucoup de personnes s’intéressent à cela. Cette innovation dont Germe Ong se lance dans la promotion en collaboration avec Psariz et les Centres de promotion de l’entrepreneuriat agricole féminin (Cepea) permet non seulement de régler les questions de gestion durable des terres, mais aussi celles de la forte utilisation des pesticides qui entrent dans notre alimentation et agissent sur notre santé. C’est beaucoup de choses qu’on essaie d’embrasser et en réglant un, on voit qu’on règle d’autres problèmes qu’on n’avait même pas encore prévus. Il faut que les communes, l’Etat central et les partenaires investissent de temps en temps dans ces activités de promotion de l’économie verte. Ce serait très important pour le bien de la nation et de nous tous.  

Envisagez-vous ainsi, à travers diverses initiatives, de lutter contre la forte pression sur les forêts au Bénin pour enfin atténuer les effets des changements climatiques ?

En termes d’effets des changements climatiques, nous constatons déjà au niveau des cultures, que ce soit dans les bas-fonds ou en terre ferme, des poches de sécheresse. Elles occupent maintenant de plus en plus de temps, puisqu’on se retrouve parfois à deux semaines de poches de sécheresse. L’autre constat est lié à la disponibilité du bois. Tel qu’on retrouve du bois avant à côté pour nos maisons, ce n‘est plus le cas actuellement. Ça veut dire que la déforestation a pris de l’ampleur et l’énergie-bois se raréfie. 
Même si on n’est pas conscient des enjeux, il y a quelque chose qui se passe autour de nous. Dans la perspective des mesures d’atténuation et d’adaptation, nous avons pris des initiatives. Si je prends le cas des femmes qui font l’étuvage du riz paddy, cette activité nécessite l’usage à grande échelle du bois-énergie. Pour étuver 100 sacs de riz paddy, c’est-à-dire le riz qui est venu du champ, il faut près de 18 kg de bois sec. Imaginez quand on veut faire 200 tonnes par an, la quantité de bois qu’il faut utiliser. C’est énorme. Ce qui veut dire que cette activité est source de déforestation. Pour l’atténuer, on a essayé de voir comment transformer les déchets issus du décorticage de riz en briquettes ou bio charbon. Une fois ces déchets carbonisés, on les compacte pour en faire le bio charbon. On peut le broyer et compacter directement pour trouver des briquettes qui sont désormais utilisées pour l’étuvage en lieu et place du bois-énergie. 
Cette technique règle également les questions d’hygiène et assainissement autour des unités de production et en même temps celles de la pression sur les forêts. 

La deuxième mesure est relative aux poches de sécheresse qu’on rencontre. En termes de mesures d’adaptation, on carbonise les déchets de riz en milieu anaérobie pour trouver des substrats ou biochar dont le paillage sur les cultures maraichères permet de renforcer la capacité de rétention d’eau. Même sur les sites rizicoles, on renforce la capacité de rétention d’eau pour qu’en cas de poche de sécheresse, le stress hydrique au niveau des jeunes plants ne se ressente pas trop. Nous travaillons à développer le processus de fabrication du biochar, pour que les femmes puissent comprendre les enjeux et que les producteurs et les riziculteurs puissent l’utiliser. Voilà les quelques initiatives qui ont été prises avec l’appui de quelques partenaires. 

La population comprend-elle ces enjeux environnementaux ?

Grâce aux séances de sensibilisation, la population comprend ces questions. Il faut reconnaitre qu’à force d’expliquer, les producteurs comprennent et à l’analyse, ils adoptent facilement ces innovations. Au niveau des femmes qui font le maraichage de contre-saison, cela les a amenées à produire bio. En utilisant le biochar plus le compost, cela donne un résultat très intéressant. Au-delà des mesures d’adaptation, nous notons des résultats intéressants et vous allez voir qu’au niveau du Cepea de Natitingou par exemple, c’est beaucoup plus le biochar qui est utilisé pour la production et les femmes savent en produire elles-mêmes. Du coup, on a moins de soucis pour l’adoption. En faisant le point, elles ont vu que ce n’est pas coûteux et que c’est très facile à appliquer. C’est vrai qu’avant qu’elles n’adoptent cela, il y a eu beaucoup de réticences, parce que les anciennes pratiques sont toujours difficiles à changer. C’est un processus qu’on est en train de conduire depuis 2012 et c’est au fil des ans que les gens en perçoivent l’importance. Une fois que l’adoption est faite, le reste va progressivement. 

Avez-vous l’impression d’être soutenus par les autorités dans cette action pour atténuer les effets néfastes des changements climatiques ?

A chaque niveau, il faut reconnaitre qu’il y a des appuis. Si nous avons pu développer certaines innovations, c’est grâce aux programmes et coopérations techniques qui, dans le cadre de la coopération bilatérale avec le gouvernement, ont eu à développer un certain nombre d’actions. Le Fonds national pour l’environnement et le climat (Fnec) a aussi accompagné l’initiative. Il y a également le Procad, un programme du ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, qui a soutenu les centres de production et de transformation. Au niveau communal, la mairie soutient tout ce qui relève de la procédure administrative. Sans compter d’autres partenaires dont le soutien nous a permis d’avancer tout au début jusqu’à ce jour.