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Jacinthe d’eau à Ganvié: Une menace muée en opportunité

Environnement
Des femmes de la coopérative « Togblé Tognon » à l’œuvre Des femmes de la coopérative « Togblé Tognon » à l’œuvre

La jacinthe d’eau colonise la surface des eaux des régions tropicales. Elle obstrue sauvagement la circulation et rend difficiles les activités économiques sur l’eau. La bonne nouvelle est que cette menace est aussi une opportunité. A Ganvié, une coopérative de femmes transforme la plante en produits artisanaux très prisés.

Par   Ariel GBAGUIDI, le 06 févr. 2024 à 07h15 Durée 4 min.
#Jacinthe d’eau #Ganvié #Une menace muée

Ganvié, la cité lacustre. Cette localité touristique surnommée la Venise de l’Afrique, n’échappe pas à la prolifération sauvage de la jacinthe d’eau. Tel un tapis de gazon, cette plante monocotylédone de la famille des pontederiaceae règne sans partage à la surface de l’eau; rendant pénible la circulation lacustre. La menace est plus poussée en période de crue.

« La présence de ces plantes vertes rend le déplacement sur l’eau, deux à trois fois plus difficile que la normale», se désole Wilfried Agossou  Adjagoun, un habitant de Ganvié.

A la manœuvre, les conducteurs de barque motorisée doivent redoubler de vigilance pour éviter d’enlacer ces épais gazons des eaux autour de l’hélice de l’engin qui pourrait s’abîmer et causer d’autres dégâts. La circulation à bord de pirogue est aussi contraignante, car elle nécessite plus d’effort physique de la part du conducteur.

Cette pression de la jacinthe d’eau compromet en partie la vie économique dans la cité lacustre en l’occurrence l’animation des marchés flottants et les activités de pêche et de tourisme.

Panacée

Cette agressivité sans issue de la jacinthe d’eau à Ganvié a été pendant longtemps un casse-tête pour les dirigeants béninois qui ont fini par trouver la solution: la valorisation de la plante. « En 2010, le gouvernement en collaboration avec des Cambodgiens, a formé deux personnes en transformation de la jacinthe d’eau en des produits artisanaux », informe Wilfried Agossou Adjagoun.

Chapeaux, sacs, paniers, corbeilles, tapis, porte-miroirs, nombreux sont les produits artisanaux qui sont fabriqués à partir de cette plante. Celle-ci peut aussi servir à faire du biogaz et de l’engrais biologique, révèle Sandra Idossou, activiste écologique et promotrice des produits locaux béninois et africains.

Elle nous emmène dans les locaux de la coopérative «Togblé Tognon » qui transforme la plante en produits artisanaux. Ici, une dizaine de femmes sont à l’œuvre. Elles exécutent une série de gestes manuels successifs, précis et rigoureux, qui leur permet de tisser les milliers de tiges sèches de la jacinthe, les unes au bout des autres, suivant un modèle, pour produire à la fin les objets artisanaux prisés en majorité par les touristes et des promoteurs de produits locaux.

Le processus de cueillette et de transformation de la jacinthe d’eau est entièrement artisanal. Il est simple mais fastidieux. Cela peut prendre des mois, renseigne Agnès Hadjagon, présidente de la coopérative. « La jacinthe afflue pendant le mois de septembre. Nous récoltons ses tiges à l’aide d’un couteau. Une fois à la maison, nous procédons au lavage et au séchage au soleil pendant trois à quatre semaines. A l’issue du séchage, nous les regroupons en de petits lots qui sont utilisés pour réaliser les produits artisanaux », explique-t-elle.

Grâce à Sandra Idossou, les commandes et modèles d’objets produits par la coopérative ont accru ces dernières années. Agnès Hadjagon s’en réjouit et rêve d’élargir son marché d’écoulement en dehors de la boutique sise au Centre de promotion de l’artisanat de Ganvié.

Difficultés

L’activité a aussi son lot de difficultés. Il peut arriver que des reptiles fassent irruption lors de la cueillette des tiges de la jacinthe. « Nous sommes toutes des femmes et dans ces conditions nous prenons la tangente. Dans notre fuite, la barque peut facilement chavirer», explique la présidente de la coopérative. « Pour ce qui est du séchage, poursuit-elle, il nous faut un espace plus grand et sécurisé, car il nous arrive de recevoir beaucoup de commandes alors que la jacinthe d’eau n’est pas encore totalement sèche. Cela constitue un blocage pour nous. Nous serions heureuses si l’Etat ou des bonnes volontés nous aident à acquérir un séchoir électrique pour réduire le temps de séchage de la matière première. Cela va améliorer nos conditions de travail et donc accroître nos rendements ».

L’autre difficulté que rencontrent ces femmes, toujours par rapport au séchage, est liée à dame nature. Quand la pluie mouille les tiges en cours de séchage, elles sont obligées de recommencer le processus de séchage à zéro. « Ou bien, c’est le vent qui emporte les tiges presque à terme », ajoute Agnès Hadjagon. La confection  manuelle des objets est aussi une difficulté et la coopérative souhaite disposer de machines qui pourront l’aider à décupler sa capacité de production.