Afrique subsaharienne : Un million de décès du cancer par an d’ici 2030
Santé
Par
Fulbert Adjimehossou, le 17 mai 2022
à
11h42
Les décès liés au cancer en Afrique subsaharienne devraient presque doubler d’ici 2030. De même, selon une publication scientifique de la revue The Lancet, l’incidence devrait passer à 1,4 million de cas par an, si rien n’est fait.
La courbe ne descend pas. Le risque de cancer reste préoccupant dans les pays de la sous-région. Une publication scientifique de la revue The Lancet lancée le 10 mai 2022 tire la sonnette d’alarme. Les chiffres renseignent qu’une femme sur sept risque de développer un cancer avant l’âge de 75 ans, le cancer du col de l’utérus et le cancer du sein étant la principale cause de décès par cancer. D’ici 2050, la moitié des cas mondiaux de cancer infantile devrait survenir en Afrique. Et le risque d’abandon de traitement pour le cancer du sein peut atteindre 38 % dans certains pays. Une combinaison de facteurs a été indexée par les auteurs. Il s’agit notamment des infections, les expositions aux nuisances environnementales, l’adoption croissante de modes de vie occidentalisés, une pénurie critique d’établissements de diagnostic, de traitement et de prévention. « Les maladies infectieuses (le plus souvent les maladies virales), le tabagisme, la consommation d’alcool chez les hommes, l’apport calorique quotidien élevé représentent une part importante du fardeau du cancer en Afrique subsaharienne. Par exemple, les taux d’obésité ont considérablement augmenté en raison du passage à un régime alimentaire plus occidental parallèlement à des modes de vie plus sédentaires, bondissant de 1400 % au Burkina Faso et de plus de 500 % au Ghana, au Bénin, en Éthiopie et au Togo au cours des trois dernières décennies», renseigne la publication scientifique.
Une urgence de santé publique
A en croire le président de la Commission des experts ayant travaillé sur le sujet, Wilfred Ngwa, les tendances projetées soulignent les coûts dévastateurs de l’inaction sur les taux d’incidence du cancer et la mortalité par cancer en Afrique subsaharienne. « Il convient de mettre davantage l’accent sur la mise en œuvre de la télémédecine et des nouvelles technologies, sur le développement et la formation du personnel en oncologie et sur la stimulation de la recherche sur le cancer. Malgré ces énormes défis, nos conclusions et recommandations soulignent que des solutions existent pour améliorer radicalement les soins contre le cancer dans la région», a-t-il souligné. Une étude distincte du Centre international de recherche sur le cancer (Circ), publiée parallèlement aux travaux de la Commission va plus loin. Les cancers du sein et du col de l’utérus restent les formes les plus courantes et classés au premier rang respectivement dans 28 et 19 pays d’Afrique subsaharienne en 2020.
Les chiffres dévoilés montrent que le cancer du col de l’utérus est responsable de la plupart des décès par cancer, soit 1 décès sur 100 et est la principale cause de décès par cancer chez les femmes dans 27 pays. Bien qu’il existe des variations géographiques marquées, les femmes d’Afrique subsaharienne ont un risque de près de 14 % de développer un cancer avant l’âge de 75 ans. Chez les hommes, le cancer de la prostate reste la principale cause de cancer (77 300 cas) dans 40 pays africains suivi du foie (24 700 cas) et le cancer colorectal (23 400 cas). « Les campagnes de santé publique doivent donc faire partie intégrante de tout programme efficace de lutte contre le cancer afin de sensibiliser la population aux facteurs de risque nocifs et aux habitudes saines et de dissiper les informations erronées», a dit Beatrice Wiafe Addai, coprésidente de la Commission.
Des taux élevés d’abandon de traitement
Nombreux sont les patients qui présentent des cancers à un stade avancé, sans oublier les taux élevés d’abandon de traitement et la méconnaissance des facteurs de risque. Les experts nationaux et internationaux du milieu universitaire et de la santé ayant travaillé sur le sujet évoquent les coûts élevés de traitement. Plus de patients meurent avant et au moment de la chirurgie en Afrique subsaharienne que dans le reste du monde. Le fait que cette zone a la plus faible disponibilité au monde d’installations pour le diagnostic et le traitement du cancer en est aussi pour beaucoup. « Dans la plupart des pays de la région, les systèmes d’orientation sont absents ou inadéquats en raison de la médiocrité des infrastructures. De plus, les pratiques de laboratoire non réglementées ont conduit à une pléthore d’erreurs de diagnostic ou de diagnostics tardifs », fait remarquer Isaac Adewole, de l’Université d’Ibadan, au Nigéria. Il ajoute que « la mise en œuvre d’un système de santé basé sur la fiscalité couplée à des modèles de prestation de services repensés avec une attention particulière aux centres de cancérologie créerait un système de santé plus intégré et plus robuste et réduirait considérablement les dépenses personnelles des patients ». Des plans nationaux de lutte contre le cancer et des technologies innovantes sont donc essentiels pour réduire le fardeau du cancer.