La Nation Bénin...
En prélude à la 20e Conférence internationale sur le Sida et les Ist en Afrique (Icasa), son Comité directeur international (Cdi) s’est réuni en juin dernier. Le colonel Alain Azondékon, médecin à l’Hôpital d’instruction des armées, y a pris une part active. Il revient à travers la présente interview sur les grandes résolutions de ladite réunion, les innovations de la prochaine Icasa ainsi que sur la possibilité pour le Bénin de tenir à l’avenir cet important conclave.
La Nation : Qu’est-ce le Comité directeur international de l’Icasa dont le dernier conclave s’est tenu récemment à Kigali au Rwanda et quels en étaient les objectifs?
Alain Azondékon : Le Comité directeur international regroupe des experts du Vih aussi bien dans les domaines communautaire, du leadership que scientifique pour tracer les grandes lignes de l’organisation et du déroulement des conférences internationales sur le Sida et les infections sexuellement transmissibles en Afrique (Icasa). La 20e Icasa qui se tiendra effectivement du 3 au 07 décembre 2019 à Kigali au Rwanda a réuni en juin dernier des experts venant seize pays et de trois continents. Toutes les régions africaines y étaient représentées.
A cette première réunion sur les trois qui sont prévues, il a été décidé du thème général de la conférence, des objectifs spécifiques de la conférence en parfaite intelligence avec ce thème, les thèmes de communication en plénière des programmes scientifique, communautaire et du leadership ainsi que le profil des speakers. Il a été également revu la référence des catégories de soumission des abstracts (résumés) dans les tracks du programme scientifique, notamment les sciences fondamentales, la clinique et la prise en charge, l’épidémiologie et la prévention, les sciences sociales et comportementales-droits humains et les sciences politiques, les sciences de mise en œuvre, l’économie et les systèmes de santé.
Que peut-on retenir en termes de résultats à l’issue des deux jours de conclave ?
Trois principaux résultats ont été atteints. D’abord, le thème général de la conférence intitulé « Une Afrique sans Sida: innovation, communauté et leadership politique ». Nous sommes arrivés à ce thème à partir de onze thèmes proposés. Ce choix s’est fait au regard de la dynamique des thèmes des conférences précédentes et des défis actuels de l’éradication ou de l’élimination du Vih en Afrique. Ce thème n’a pas été choisi au hasard. Et nous sommes revenus comme on peut le remarquer aux fondamentaux, une Afrique sans Sida, et pour cela, il faut de l’innovation dans les différentes façons de mettre en œuvre les programmes, l’implication des communautés et le soutien sans faille du leadership politique, c’est-à-dire un engagement plus fort des décideurs politiques. Les cinq objectifs spécifiques en rapport avec ce thème général en donnent un contenu plus clair. Il s’agit de : promouvoir les innovations communautaires, scientifiques et technologiques ; faire un plaidoyer pour le financement durable des réponses nationales, du leadership politique et de la redevabilité ou la responsabilité des acteurs ; repenser les normes en matière de genre, les approches basées sur les droits humains et la collaboration multisectorielle intégrant la prise en compte des co-morbidités, des infections émergentes et des maladies non transmissibles ; promouvoir les programmes centrés sur les jeunes et les adolescents avec une approche conviviale et spécifique pour atteindre une génération sans Sida.
En dehors de ce défi qu’est l’identification du thème général, il a été procédé à la sélection du logo de la conférence. Le logo doit refléter les valeurs du pays dans lequel se tient la conférence. Sur les dix logos présélectionnés, celui qui a été retenu traduit bien les couleurs du Rwanda et de sa civilisation et donc un symbole de la culture africaine. Ce choix démontre bien que l’intégration africaine est ancrée dans l’organisation et la tenue des conférences Icasa puisque c’est un Togolais qui a proposé le logo retenu.
Comme troisième résultat important, nous avons retenu les thèmes qui feront l’objet des plénières de la conférence. Il est à rappeler que cinq sessions de plénières sont prévues et trois experts présentent à chaque plénière: le premier sur un sujet scientifique, le second sur un sujet de leadership et le troisième portant sur un sujet ayant un focus sur les aspects communautaires. Les quinze thèmes de plénières sont connus et sont dans la veine du thème général de la conférence et de ses objectifs spécifiques.
Quelle a été votre implication concrète à cette réunion du Comité directeur international fort de vos acquis des Icasa depuis 2008 ?
Ma modeste contribution a été de participer à toutes les discussions stratégiques de cette réunion. Dans le passé, je participais à la réunion des co-chairs, puis à la réunion de coordination scientifique. Cette fois-ci, j’ai surtout pesé de mon poids pour qu’une fois le thème choisi, les objectifs soient dans la veine du thème général ; il en a été de même dans l’identification des thèmes de plénières et des autres sessions de la conférence. Je serai également très regardant dans le montage des ateliers de renforcement des capacités. Le directeur de la conférence, M. Luc Bodea, et le président du Comité scientifique, professeur Tandakha Dieye, sont tout autant acquis à la même cause. Mon degré d’engagement aujourd’hui est le fruit du travail acharné. Il faut y croire, être persévérant et penser système et non soi-même. Pour mes jeunes collègues qui sont sur cette voie, je leur recommande d’avoir le souci permanent d’améliorer leur pratique, de construire ou d’intégrer des équipes fortes multidisciplinaires, de s’engager dans les domaines de connaissances transversales. Il faut également être passionné, car seul le travail compte, ni vos diplômes, ni vos positions professionnelle ou académique ne prendront le pas sur cet achievement, ils y contribuent bien sûr afin que vous montriez votre efficacité.
La prochaine étape, en quoi consistera-t-elle ?
La prochaine réunion du Comité directeur international se tiendra au mois de mars prochain, réunion à laquelle seront associés davantage d’experts du Vih, étant donné que les comités des programmes scientifique, communautaire et de leadership seront plus renforcés. Il s’agira de faire le choix des orateurs des conférences en plénières, d’identifier les thèmes de sessions spéciales, les sessions non construites à partir des résumés soumis, les ateliers de renforcement de capacités.
Il s’agit d’une réunion tout aussi importante car elle assure un formatage solide de la conférence en attendant la réception des résumés d’expériences originales et réussies allant avec le thème général et ses objectifs. L’appel à la soumission des résumés sera lancé dès février 2019.
Quelle pourrait être, selon vous, la nature de la participation béninoise à l’Icasa 2019 à Kigali ?
Nous faisons de grands efforts pour contribuer à une génération sans Sida et c’est une opportunité de le montrer. Sur le plan institutionnel, nous avons le Cnls-Tp, le Psls et le leadership d’accompagnement du gouvernement, l’engagement de la Première dame en faveur de l’élimination de la transmission mère-enfant et de la prise en charge pédiatrique et la création d’un groupe technique pluridisciplinaire. Une masse importante d’acquis à partager. A l’endroit des acteurs béninois, il est vivement souhaitable qu’ils s’approprient le thème général et ses objectifs ci-dessus cités et se mettent résolument à documenter leurs expériences réussies, les meilleures afin d’être compétitifs pour pouvoir non seulement être sélectionnés mais aussi gagner des bourses de participation ou remporter le prix du meilleur résumé ; rappelons que c’est une jeune psychologue béninoise qui a remporté ce prix dans le domaine des sciences sociales à la dernière conférence qui s’est tenue à Abidjan en 2017. C’était une première pour le Bénin et nous devons remporter d’autres prix pour faire connaître notre pays et rehausser l’image de marque de l’intelligentsia béninoise mais beaucoup plus de notre contribution à l’avancée des recherches en pratiques, en technologies et en sciences.
Aux experts de niveau moyen ou de haut niveau, il est recommandé de s’engager dans une manifestation de volonté pour faire des communications en plénière. Le choix d’un communicateur est rude et très compétitif et la maîtrise de la langue anglaise est un atout. Il se prépare une mobilisation par le Cnls-Tp afin d’optimiser cette stratégie, car le coaching est très important dans ce domaine. A cette occasion, les différents thèmes et la capacité de présentation des experts béninois ainsi que leur disponibilité seront connus.
En termes de leadership politique et communautaire, je suggère que soit maintenu le plaidoyer dans l’accompagnement de ces deux groupes, notamment les jeunes et les femmes. J’encourage mes concitoyens à participer à cette conférence pour donner tout en recevant, en créant des réseaux d’acteurs et de chercheurs dans leur domaine de compétences. Voyager est aussi une bonne part de l’éducation, le Rwanda est un très beau pays, à beau climat, de culture tout aussi riche que celle du Bénin et je pense qu’il y aura beaucoup à apprendre en dehors de l’élimination du Sida en Afrique. Et c’est le moment de remercier le gouvernement qui a soutenu la participation de plus de 120 Béninois à la dernière Icasa en décembre 2017 à Abidjan, une première dans l’histoire qui mérite d’être répétée et amplifiée mais à condition que les acteurs s’engagent pour pérenniser les acquis.
Au regard de votre engagement et de votre niveau d’implication dans les différentes Icasa, à quand Icasa à Cotonou au Bénin ?
Il est difficile de ma position de répondre à cette question, mais je sais que l’engagement politique est indispensable, mais la productivité et surtout la performance de nos différents programmes comptent pour beaucoup.
De ma position, je peux aisément dire que l’organisation de cette conférence d’envergure, qui rassemble environ dix mille participants, a de très grands avantages pour le pays où il se tient : avantages socioculturel, académique, économique, sur le système de santé, et la visibilité du pays. L’engagement pour l’organisation de l’Icasa dans notre pays doit débuter maintenant à la lumière du Bénin qui veut se révéler. Le Bénin a été et est toujours un pays de grande curiosité et le Board de la Société africaine anti-Sida saisira l’opportunité si le pas se faisait.
Propos recueillis par Paul AMOUSSOU