Décès du Prof Benjamin Fayomi : sur les traces d’un pionnier de l’Ecosanté
Santé
Par
Fulbert Adjimehossou, le 22 sept. 2021
à
17h28
Ancien directeur de l’Institut des sciences biomédicales appliquées du Bénin (Isba), Prof Benjamin Fayomi a pris fait et cause pour l’Ecosanté. Retour sur plus de trois décennies d’engagement de ce pionnier décédé le 20 septembre 2021.
Rappelé à Dieu, Benjamin Fayomi n’est plus là pour se présenter, de vive voix, pour justifier ses amours : la Santé et l’Environnement. Mais, le curriculum vitae du titulaire de la Chaire Ecosanté de l’Université d’Abomey-Calavi renseigne sur son profil. « Je suis intéressé par la pratique d’une approche holistique à la résolution des problèmes de formation et de recherche. Pour cela, je mets à profit ma formation universitaire diversifiée et une riche expérience dans mon pays ainsi que dans la sous-région. Cette expérience s’appuie sur un tissu de contacts pluridisciplinaires avec des
institutions et organisations nationales, internationales, gouvernementales ou non. Le travail d’équipe est et demeure pour moi une méthode essentielle de travail pour trouver des solutions novatrices aux problèmes de développement
durable dans une Afrique où les rares ressources existantes ne doivent pas être gaspillées. Dans cette vision, j’ai mis une emphase particulière sur la formation des ressources humaines où le besoin est énorme, convaincu que je suis qu’il ne saurait y avoir de changement durable sans des compétences en nombre suffisant », peut-on y lire. Et il a réussi, par cette conviction, à se forger une réputation exemplaire dans la sous-région, voire sur le continent africain.
« C’est un maitre régional de la médecine du travail. L’école du Bénin forme des médecins qui viennent de partout en Afrique et il est le maître de la plupart des médecins du travail en service actuellement à travers l’Afrique », souligne Professeur Eugène Zoumènou, vice-doyen de la Faculté des sciences de la santé (Fss). Membre de plusieurs sociétés savantes et expert pour le compte de plusieurs organisations internationales, l’ancien doyen de la Fss était avant tout un médecin. Benjamin Fayomi a commencé sa carrière de médecin en milieu rural pour ensuite se spécialiser en santé au travail, en médecine agricole et en toxicologie clinique. Entre 1988 et 1991, il a occupé la fonction de directeur départemental de la Santé de l’Ouémé. Dans l’enseignement supérieur, il a progressé très vite, passant du grade de
Professeur assistant en 1989 à celui de Professeur titulaire en 2000. Grâce à ses travaux de recherche, Benjamin Fayomi a œuvré à améliorer la santé humaine en Afrique et ailleurs.
« Très méticuleux »
Ceux qui ont vu faire Benjamin Fayomi ou qui l’ont côtoyé gardent surtout de lui sa rigueur. Le Professeur Michel Boko, climatologue, précise que c’est un collègue avec qui il a partagé des moments forts de sa vie professionnelle. Entre les deux chercheurs chevronnés, tout a commencé en 1996, lorsque le Comité du développement durable de l’Université nationale du Bénin a été mis en place. Ils vont se retrouver par la suite dans les recherches transdisciplinaires et pluridisciplinaires en santé publique et environnement. « Nous avons aussi collaboré dans un projet sur les pratiques
de maraichage à Houéyiho, sur financement du Canada ; cela nous a conduits à une mission au Canada, avec la Prof
Massougbodji. Malheureusement, les étudiants que nous avons co-encadrés n’ont pas toujours été à la hauteur des
exigences du Prof Fayomi, car il faut reconnaître qu’il était très exigeant et très méticuleux. Certains sont quand même
arrivés au bout du processus et ont pu soutenir leur thèse de doctorat unique ou de doctorat de spécialité. Nos rapports ont toujours été très amicaux, empreints de sincérité et de respect mutuel, ce qui n’est pas souvent facile avec les collègues médecins », rappelle Prof Michel Boko.
Spécialisé en Médecine du travail, l’ancien directeur de l’Institut des sciences biomédicales appliquées du Bénin (Isba) est plus connu pour son expertise en Ecosanté. Il s’y est véritablement engagé ces dernières décennies. C’est un médecin que l’on confond très vite à un environnementaliste.
Il s’est plus engagé à travailler sur les liens entre la santé et l’environnement. Et la raison, selon lui, est toute simple.
« Pendant longtemps, on a pensé que la maladie est liée à un microbe. On utilise un médicament, un antibiotique et
puis c’est fini. Mais, de plus en plus, on se rend compte que la maladie a une connotation, une partie importante comme cause, à savoir l’environnement. Certaines maladies se développent de plus en plus parce que notre environnement nous tue. D’où la nécessité de travailler sur ces domaines-là, l’environnement en lien avec la santé. L’un ne va pas sans l’autre. Il faut toujours réfléchir à l’heure actuelle avec ces dénominateurs communs », confiait-il en mars 2010 dans un média béninois.
Benjamin, « l’écolo »
Cette leçon, Angela Kpeidja l’a sue alors qu’elle était étudiante du Professeur Benjamin Fayomi. De lui, la journaliste spécialiste des questions de santé garde le souvenir d’un homme hautement affectueux, paternel, calme et très disponible. « Dans mon métier de journaliste spécialiste des questions de santé, rares sont les professionnels de
la médecine qui sont disponibles. Mais lui, à chaque fois qu’on le sollicitait, il était là. Il faisait preuve de beaucoup d’objectivité dans tout ce qu’il faisait. Il me prodiguait beaucoup de conseils.
Surtout qu’avant le journalisme, j’ai été paramédical. Il a été mon professeur de toxicologie. C’est avec lui que j’ai su qu’il y a un lien vraiment étroit entre la santé et l’environnement. Il me disait à chaque fois que les microbes n’ont de vie que dans un environnement malsain. Pour lui, en matière de prévention, on devrait commencer par là », déclare-t-elle.
Sur plusieurs fronts pour la préservation de l’environnement, il était là. « Après Grâce Dotou, la pionnière de la lutte contre les sachets plastiques, le nom du Professeur Benjamin Fayomi va rester gravé aussi sur le marbre de ceux qui ont donné un sens à ce combat. Ami des journalistes, il a très tôt réuni un groupe autour de cette lutte alors qu’il était encore Doyen de la Faculté des sciences de la santé. Réunions régulières, animation des séances pour montrer aux journalistes le danger de laisser prospérer ce commerce, il a fini par monter un groupe choc. Très effacé et toujours en quête du bien-être de l’individu, c’est un ami de l’environnement qui vient de déposer les armes », témoigne Didier Hubert Madafimè, journaliste environnementaliste à la retraite. A en croire Angela Kpeidja, c’est un ardent défenseur de l’Environnement sensibilisé aux nuisances environnementales sur la santé et la couche d’Ozone. « Il en parlait déjà à cette époque et voulait qu’on fasse quelque chose pour réduire les risques. Il se préoccupait de la qualité de l’air et mesurait la présence de certaines particules dans l’air qui pouvaient causer la leucémie par exemple. Il était contre l’essence frelatée en raison des nuisances. C’est avec lui que j’ai commencé la lutte contre les sachets plastiques. Il avait réuni les pharmaciens pour les susciter à l’action, puis il y a eu aussi par la suite plusieurs réunions avec la Sogema. Le Professeur Benjamin Fayomi était persuadé que les petites actions pouvaient changer le monde », martèle-t-elle. Ce chercheur a su donc mettre son expérience à contribution pour la compréhension et la prévention des problèmes de santé sur le continent. Il s’est éclipsé, à la relève de prendre le relais.