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Docteur Romaric Massi Mahoutondji, hématologue au sujet de l’hémophilie: « Nous avons besoin de plus d’appui pour sauver des vies »

Santé
Par   Isidore Alexis GOZO (gozoalexis6@gmail.com), le 06 mai 2021 à 08h59
Au Bénin, on dénombre au moins 1500 hémophiles en lutte permanente avec le mal. Une statistique non moins importante qui engage les spécialistes dans une course contre la montre. Romaric Massi Mahoutondji, hématologue au Centre national hospitalier universitaire Hubert Koutoukou Maga, explique dans cet entretien les origines de cette maladie, ses manifestations de même que les moyens de traitement. Il appelle également à l’aide les autorités et les Ong pour arrêter la saignée.
Qu’est-ce que l’hémophilie ?
L’hémophilie est une maladie héréditaire. Elle est transmise des parents à leurs enfants. Il s’agit d’une mutation au niveau du gène qui code la synthèse d’un certain nombre de facteurs de la coagulation. Les facteurs les plus incriminés sont les facteurs 8 et 9 et le gène responsable est sur le chromosome X. L’hémophilie est une maladie constitutionnelle due à un déficit de facteur de coagulation qui est l’ensemble des mécanismes qui concourent à l’arrêt des saignements. Lorsqu’on se blesse, les vaisseaux se rompent, le sang sort et lorsque ce sang sort, il faut pouvoir fabriquer un caillot pour l’arrêter. Pour fabriquer ce caillot, on a besoin de plaquettes et d’un peu de substance comme du ciment pour pouvoir colmater les parois des vaisseaux. Et, c’est cette colle qu’on appelle facteur de la coagulation qui se trouve dans le sang. Dans l’hémophilie, c’est cette colle qui manque.
Combien de types d’hémophilies existe-t-il ?
Il y a deux principales colles qui peuvent manquer à savoir les colles n°8 et 9. Lorsque la colle n°8 manque, on parle d’hémophilie A et lorsque la colle n° 9 manque, on parle d’hémophilie B. L’hémophilie A est quatre fois plus fréquente que l’hémophilie B. Si vous êtes hémophile, vous êtes certainement né avec la maladie et vous allez certainement vivre et mourir avec la maladie.
Pourquoi les hommes font la maladie et les femmes sont uniquement conductrices ?
Chez les garçons, le chromosome sur lequel se trouve l’anomalie est le chromosome X qui est un chromosome sexué. Chez l’homme, on a un chromosome XY or chez la femme, on a deux chromosomes XX. Lorsque vous avez un seul chromosome X qui est malade, vous allez forcément faire la maladie. Par contre chez la femme, lorsqu’un chromosome X est malade, le second travaille. C’est dire que le deuxième compense le premier. Mais il peut arriver aussi, chez une femme, que le deuxième chromosome soit inactivé pour d’autres raisons. De façon rare, une femme peut également présenter les manifestations d’une hémophilie.
Quelles en sont les manifestations ?
Les manifestations de l’hémophilie vont commencer très tôt chez l’enfant. En général au moment de l’apprentissage de la marche. Lorsque l’enfant apprend à aller à quatre pattes, c’est en ce moment qu’il va commencer par cogner le pied contre le sol ou contre le mur, ce qui cause des saignements, notamment au niveau des articulations. L’enfant peut saigner dans le coude, le genou ou la cheville. En ce moment, l’articulation se gonfle, devient chaude et douloureuse. C’est le premier signe. L’autre manifestation, c’est le saignement par le nez. Il y a certains enfants, lorsque vous leur brossez les dents, le sang commence par sortir. Il y en a d’autres qui peuvent aussi saigner dans le muscle ou au moment de la circoncision.
Quels sont les traitements disponibles pour cette maladie ?
Il y a plusieurs types de traitements. C’est le plasma fait congelé qui contient un peu de facteur de coagulation. En injectant ce plasma au patient hémophile, on arrive à régler un peu les saignements et à les faire arrêter mais ce plasma n’est pas très riche en facteur de coagulation. Alors, on est obligé d’avoir d’autres types de traitements. Le deuxième type de traitement est le concentré de facteur de coagulation. Lorsque vous injectez le facteur de coagulation au malade, dans les minutes qui suivent, le saignement doit s’arrêter. Mais cela coûte très cher et le patient doit prendre deux à quatre boîtes dans la même journée, alors qu’avec le plasma, vous êtes obligé d’ajouter beaucoup de poches avant de pouvoir arrêter le saignement.
De quoi avez-vous besoin concrètement ?
On a besoin de plus d’appui gouvernemental et d’Ong pour pouvoir sauver des vies. Au Sénégal, les spécialistes reçoivent des dons, mais eux-mêmes en achètent pour leurs hémophiles. Donc, c’est le deuxième type de traitement c’est-à-dire le facteur de coagulation qui est le traitement le plus efficace, mais qui est très cher et difficile d’accès. La fédération mondiale qui nous donne des flacons ne nous prend rien. Et nous-mêmes devons faire l’effort pour soutenir les patients afin qu’ils puissent en acheter plus.
Quelles actions menez-vous à l’endroit des partenaires et autres ?
Nous faisons aussi des sensibilisations à deux niveaux. Des sensibilisations pour le diagnostic de l’hémophilie parce qu’à peine 10 % des patients sont diagnostiqués en Afrique. Au Bénin, nous avons au moins 1 500 hémophiles, mais actuellement dans notre corps de suivi, nous avons à peu près 150. Nous descendons dans les écoles pour entretenir les enfants sur le mal afin qu’ils puissent informer leurs parents. L’année dernière, nous avons fait une série de plaidoyers à l’endroit du Cnhu, du ministère de la Santé et d’autres partenaires pour les inviter à venir nous soutenir pour la prise en charge des patients. Entre le plaidoyer et la décision de nous accompagner, il y a un pas. Le pas est qu’il faut que les partenaires puissent mobiliser de l’argent. Une fois que l’argent est mobilisé, ils pourront le mettre à notre disposition. Nous attendons toujours que les gens nous viennent en aide pour ça. Mais aussi, le message fort qu’il faut lancer, c’est qu’il faut pouvoir diagnostiquer tôt le mal.