La communauté internationale a célébré, ce lundi 19 juin, la Journée mondiale de lutte contre la drépanocytose. Sous quel thème est-elle placée cette année et que retenir des activités marquantes au niveau de l'association dont vous présidez les destinées ?
Il n’y a pas eu malheureusement un thème précis mais qu’à cela ne tienne. C’est une maladie qui est tellement pluridisciplinaire et répandue qu’il aurait été difficile de déterminer un thème commun. Toutefois, beaucoup d’associations se sont regroupées pour un thème donné. Dans l’ensemble, ce qui ressort en majorité est la sensibilisation.
Les activités tournent autour de ces 3 mots : Sensibiliser, Informer et Éduquer.
Il y a eu beaucoup de conférences, des réunions de sensibilisation.
Parlant de la drépanocytose, où en sommes-nous aujourd'hui ?
Comme je le disais plus tôt, cette maladie est multidisciplinaire. Il n’y a pas beaucoup de maladies, pour ne pas dire que c’est la seule maladie qui dépend d’autant de facteurs.
Il y a les axes médical, paramédical, social, sociétal, psychologique et climatique. Ce qui est frappant, c’est que tous ces facteurs sont liés et il y a un axe qui prend de plus en plus d’importance, c’est l’aspect psychologique, voire émotionnel. C’est comme une chaîne et lorsqu’un de ses maillons est défectueux, c’est tout l’ensemble qui est concerné.
Il y a eu beaucoup de progrès dans la prise en charge de la maladie dans les pays dits développés. Il existe des médicaments qui sont très coûteux et hors de portée pour nos populations. Des progrès se font aussi dans les différents pays d’Afrique mais il reste beaucoup à faire.
Il faut noter le coût financier pour nos populations hors hospitalisation : Les médicaments pris au quotidien, les examens médicaux. Lorsqu’il y a hospitalisation, évidemment, cela devient exorbitant. Nous sommes en face d’un problème inquiétant car faute d’argent, les patients ne se rendent pas rapidement aux soins, mais plus on tarde, plus la crise s’aggrave et plus le coût est élevé. Un vrai cercle vicieux.
Maladie génétique affectant plus la race noire, la drépanocytose ne fait qu'assombrir l'univers des malades et celui de leurs parents. Quelles sont les avancées en termes de traitement et de prise en charge ?
Il existe l’hydroxy-urée, qui a montré des effets bénéfiques chez les patients mais comme tout médicament, cela a des effets secondaires non négligeables. Toutefois, le bénéfice-risque va en faveur du bénéfice.
Il y a d’autres médicaments dont je ne voudrais même pas parler puisqu’ils sont hors de prix. À titre d’exemple, vous avez un médicament qui vaut 7000 euros par mois. Voyez vous-même !
Il y a la greffe de moelle osseuse et la thérapie génique qui sont les seuls moyens de guérison mais qui ont un coût très élevé aussi.
Dans nos pays, la prise en charge de la maladie consiste à faire d’abord de la prévention en respectant les consultations proposées par les centres de soins pour un meilleur suivi, puis le traitement des symptômes lors des crises. Enfin, le suivi des complications aiguës et/ou chroniques.
Je ne dois pas oublier de dire qu’il existe aussi dans nos pays des médicaments non conventionnels - je n’aime pas trop ce mot -, mais le seul « obstacle » est qu’il n’y a pas d’études randomisées même si je suis d’avis que nous ne devons pas faire exactement comme à l’Occident. Mais nous sommes dans la médecine, les traitements de personnes, donc il y a des précautions à prendre. La phytothérapie doit être régulée.
Notons que la recherche organisée et pratiquée sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales est et doit être régie par des lois et autorisée dans les conditions prévues par ces lois. Cela concerne tant les molécules que le matériel à but médical.
Votre engagement personnel dans la lutte contre la maladie ainsi que la contribution de votre association dans la prise en charge des personnes affectées ne sont pas moindres. Concrètement, que retenir de ce combat et quels sont les résultats qui le créditent ?
L’association Dorys a été créée en 2004. En 2005 nous avons organisé notre premier congrès international qui regroupe des chercheurs, médecins, paramédicaux, associations et Fondations. Le 18e se tiendra du 12 au 14 octobre 2023 à Strasbourg en France. Ce congrès est le seul spécifiquement dédié à la maladie en France et en Europe. Il faut le dire, nous sommes très fiers de ce succès. Un fait nouveau est que depuis l’année passée, nous avons beaucoup de médecins et chercheurs des pays d’Afrique dont deux médecins et une chercheuse du Bénin. C’était aussi une fierté.
Notre vision est que la lutte contre la drépanocytose dépasse une association, voire un pays. Cette lutte doit être collective. Lorsqu’un(e) patient(e) passe d’une ville à une autre ou d’un pays à un autre, il doit pouvoir avoir la même prise en charge. Nous avons commencé ce travail par les associations et nous avons créé une Alliance des Associations d’Afrique francophone de lutte contre la drépanocytose nommée 3-AFLUD. Elle regroupe 24 associations de 17 pays d’Afrique francophone. Il est très important de noter l’impact qu’une telle Alliance peut avoir : travailler et construire ensemble une nouvelle stratégie de lutte contre la drépanocytose. Quel que soit le pays où l’on se trouve, les problèmes rencontrés sont similaires, alors ensemble, nous serons plus forts et nous allons mieux avancer.
Je suis aussi président : d’un Collectif qui rassemble plusieurs associations en France, dans les Caraïbes francophones et en Guyane, il est nommé Ensemble pour Vaincre la Drépanocytose (EVD).
Je suis vice-président de Drep.Afrique, une autre organisation non gouvernementale basée en France.
Enfin, je suis sollicité par les associations à intervenir dans nos pays d’Afrique en présentiel ou par des conférences en visio.
Je ne parlerai pas ici de mon implication dans la recherche médicale puisque nous sommes plus dans le volet associatif ■