La Nation Bénin...
Ces dernières années, le taux de grossesses non désirées augmente en flèche dans les collèges et lycées de notre pays. Au nombre des solutions pour freiner ce phénomène, des Organisations de la société civile multiplient les séances de sensibilisation pour dénoncer ce phénomène et prévenir le mal. Dr Serge Kitihoun de l’Association béninoise pour la planification familiale (Abpf), pour sa part, évoque les avortements provoqués et leurs conséquences.
Le ministère de l’Enseignement secondaire, technique et de la Formation professionnelle a dévoilé fin janvier dernier, la fiche statistique départementale des cas de grossesses enregistrés en milieu scolaire au titre de l’année scolaire 2016-2017. Le département des Collines vient en tête avec 472 cas de grossesse, pour un total de 2763 cas de grossesses au plan national sur 301 821 filles inscrites au cours de l’année scolaire 2016-2017.
Pour le compte de l’année scolaire 2017-2018, de nombreux cas ont été également signalés. La statistique publiée par la direction de l’Enseignement secondaire et général du ministère des Enseignements secondaires techniques et de la Formation professionnelle indique que le département de l’Atacora seul s’en sort avec 90 cas de grossesses, le Borgou 111 cas et le Couffo vient en dernière position avec 51 cas. Ces différents chiffres montrent l’ampleur du fléau au Bénin, malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation organisées dans les collèges et lycées dans le but d’amener les adolescentes à retarder les grossesses en attendant de finir leur cursus scolaire.
Alors que certaines personnes pensent que certaines émissions des chaînes de Télévision sont à la base de la résurgence du phénomène, d’autres estiment plutôt que les raisons qui justifient l’augmentation du nombre d’élèves porteuses de grossesse en milieu scolaire sont ailleurs.
Au nombre de ces raisons, Serge Kitihoun de l’Association béninoise pour la planification familiale (Abpf) cite le manque d’information et d’éducation sexuelle. « Faute de moyens et à cause de tabous liés au sexe, les enfants et les jeunes filles ne reçoivent pas d’éducation sexuelle et reproductive. Elles ne connaissent pas ou connaissent mal les moyens de contraception et les risques liés à une grossesse précoce », souligne-t-il. Il ajoute aussi la fuite de responsabilité de certains parents, la pauvreté aiguë, les pesanteurs psychologiques, l’inexistence d’aires de distraction saine, le manque d’éducation sexuelle dans les ménages et surtout la non application de la loi 2015-08 portant code de l’enfant en République du Bénin.
Les risques et dangers d’un avortement provoqué
Depuis 2003, la loi autorise, au Bénin, l’avortement pour des raisons de santé physique et en cas de viol, d’inceste ou de malformation congénitale. Outre cette disposition légale, quiconque s’adonne à cette pratique doit subir la rigueur de la loi.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (Oms), 180 000 femmes dans le monde meurent, chaque année, des suites d’un avortement. Cela donne en moyenne un décès pour 300 avortements. En Afrique de l’Ouest, près de 330 000 femmes sont hospitalisées chaque année pour des complications découlant d’un avortement provoqué. En outre, 15 à 25 % de femmes supplémentaires qui ont besoin d’un traitement suite à des complications ne recherchent pas de soins appropriés.
Les complications suite à un avortement peuvent prendre plusieurs formes, selon Dr Serge Kitihoun. Il explique qu’on note essentiellement les troubles de santé chez la femme, les difficultés lors de grossesses ultérieures et parfois la stérilité. Pour lui, dans 2 à 15 % des cas, la femme peut souffrir de perforation utérine, de déchirure du col de la matrice, de rétention placentaire suivie d’hémorragie ou d’infection locale ou généralisée. Si l’hémorragie est importante, précise-t-il, elle peut produire un état de choc. Une hémorragie et d’autres facteurs peuvent aussi provoquer une coagulation intra-vasculaire disséminée (Civd).
Il existe d’autres risques, a-t-il poursuivi, comme la fièvre, la déshydratation, les éruptions cutanées, la toxémie et l’hypertension, l’irrégularité menstruelle, les rapports sexuels douloureux, les spasmes bronchiques peuvent également survenir. Enfin, il pourrait y avoir un accroissement significatif du risque du cancer du sein conséquent au bouleversement hormonal causé par l’arrêt brusque et prématuré de la grossesse. Une grossesse des suites d’un avortement, peut provoquer la naissance d’un enfant mort-né, car le sang de la mère aura fabriqué des anticorps. La proportion des fausses couches et des naissances prématurées aussi, explique-t-il, augmente après un avortement, suite à des lésions du col de l’utérus soit du simple au double, voire davantage. On note également, un risque plus grand d’enfants anormaux, physiquement ou mentalement. Après un avortement même médicalisé, insiste Serge Kitihoun, la conception peut devenir impossible par infection des trompes, adhérences utérines suite à des cicatrices laissées par le curetage et la dilatation excessive du col de la matrice.
Il reste convaincu que non seulement le taux de stérilité augmente, mais encore et surtout que le taux de prématurité double ». Les gynécologues constatent, rapporte-t-il, qu’un nombre croissant de femmes viennent les consulter pour des irrégularités menstruelles, des pertes accrues, des rapports sexuels douloureux. Il y a aussi des complications non signalées.
Les séquelles physiques n’étant pas toujours immédiatement apparentes, celles qui ont des difficultés postopératoires se présentent le plus souvent chez un autre médecin que l’avorteur. Celui-ci reste donc ignorant des conséquences de l’avortement qu’il a effectué. Les conséquences à long terme, telles que la stérilité, ne sont pratiquement jamais signalées au chirurgien.
Dr Serge Kitihoun conseille à la place des avortements provoqués, le recours à la planification familiale. Elle est un ensemble de mesures et de moyens mis à la disposition des individus, des couples et de la communauté, pour permettre à chacun d’avoir le nombre d’enfants voulus, au moment voulu et offrir aux couples infertiles la possibilité de procréer. La planification permet également une prise en charge responsable de la sexualité, y compris la prévention et le traitement des Ist et Vih/Sida.