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L’expert en santé publique Tychique Nougbodé sur les Avc: « La prévention de cette pathologie est simple et presque gratuite »

Santé
Tychique Nougbodé, expert en santé publique et kinésithérapeute Tychique Nougbodé, expert en santé publique et kinésithérapeute

L’Accident vasculaire cérébral (Avc) survient de façon très brutale et crée des déficits moteurs, une perte de sensibilité ou encore des troubles du langage. Avec au niveau mondial, 15 millions de cas, dont 25 % de décès et 30 % de séquelles sévères chaque année, cette pathologie peut entrainer une invalidité permanente. Dans cette interview, l’expert en santé publique et kinésithérapeute au Cnhu-Hkm, Tychique Nougbodé met l’accent sur les facteurs de risques, les manifestations, la prévention, le traitement et la rééducation des victimes.  

Par   Lhys DEGLA, le 08 juil. 2024 à 12h18 Durée 3 min.
#Avc #Santé

La Nation : Qu’entend-on par Avc et comment cette pathologie se manifeste-t-elle ?

Tychique Nougbodé : L’Avc s’entend comme un Accident vasculaire cérébral. C’est en termes clairs, un ensemble de troubles, d'origine cérébrale, dus à une perturbation de la circulation sanguine au niveau du cerveau. Les manifestations sont diverses et la conséquence directe de l'Avc, c'est la paralysie de l'hémicorps (main et pied du même côté). Il peut s’agir d’une paralysie complète : hémiplégie ou d’une paralysie partielle : hémiparésie. Ces deux modalités de paralysies énoncées plus haut associent des troubles qui sont de cinq ordres : les troubles cognitifs (troubles de la mémoire, troubles mnésiques...) ; les troubles orthopédiques à type de déformation des segments des membres et des articulations ; les troubles de la motricité caractérisés par un trouble de tonus et enfin les troubles fonctionnels (troubles de la marche, troubles de la préhension de la main, limitation d'activités et situation de handicap).

2,22 millions de personnes dans le monde ont eu un Avc au moins une fois dans leur vie. Quelles pourraient en être les facteurs de risques?

Les causes sont multiples : l'hypertension artérielle (Hta) qui est la première cause, les cardiopathies en général, le stress, les causes traumatiques (accidents de route, accidents domestiques, accidents de travail... avec lésions sur la tête), les tumeurs et les dégénérescences du cerveau, l'alcool, le tabac, la sédentarité, le surpoids, les maladies auto-immunes, l’utilisation non contrôlée des contraceptifs hormonaux…

Quelles sont les différentes formes d’Avc qui existent et comment les différencier ?

Il y a deux formes d'Ac : la forme ischémique et la forme hémorragique. Dans la forme ischémique, le mécanisme se fait par interruption transitoire de l'apport sanguin dans un territoire cérébral souvent par un thrombus (caillot de sang). Dans la forme hémorragique, il s'agit d'une rupture du vaisseau sanguin, puis  inondation et nécrose des territoires cérébraux concernés. Cette description est schématique pour permettre une compréhension du public, autrement dit, les mécanismes sont plus complexes.

Quelles sont les conséquences directes et indirectes des Avc pour les victimes ?

Les conséquences sont sous plusieurs formes. L’une des conséquences, c'est l'impotence fonctionnelle : soit la victime de l'Avc tombe et rentre dans le coma ou il est conscient dans les premières minutes, tombe ou perd l'usage de ses membres. Il ne peut donc plus mener ses activités de façon autonome et devient une charge pour sa famille et son environnement. La victime de cette maladie ne se retrouve pas automatiquement. Il lui faut du temps pour se remettre et ça, c'est en cas d’Avc à moindres séquelles. En outre, n'oublions pas le coût de la gestion de cette maladie qui dure dans le temps. En somme, comme effets directs, c'est la perte de l'autonomie du sujet et la dépendance qui s'ensuivent. Comme conséquence indirecte, c'est la charge de la morbidité que représente cette maladie pour l'individu lui-même, sa famille, son cadre de vie, son employeur (s’il est un professionnel) et sa nation.

Cette pathologie est une tueuse silencieuse et sa survenue peut surprendre. Comment la prévenir, voire la traiter?

La prévention de cette pathologie est très simple et presque gratuite. C'est d'éviter les facteurs de risques cités plus haut. Cependant, quand on se sait porteur d'un de ces facteurs de risques, il faut se faire soigner et se faire suivre par un médecin. Pour ce qui est des facteurs comportementaux, il faut tout simplement avoir une bonne hygiène de vie, éviter le stress, avoir un rythme régulier d'activité physique, manger sain et équilibré, éviter le tabac, l'alcool, le surpoids, l'obésité et la sédentarité. L'Avc ne se traite pas à la maison. Il se traite chez trois médecins : le cardiologue, le neurologue et le médecin physique. Le cardiologue pose un traitement qui vise à rétablir et normaliser la circulation sanguine dans le cerveau et en général dans le corps. Le neurologue explore l'étendue des dégâts neurologiques et pose un traitement pour la récupération des fonctions altérées. Le médecin physique fait le bilan des besoins spécifiques du patient et oriente sa rééducation et sa réadaptation vers les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoprothésistes, les ergothérapeutes, les orthopédistes et tous autres professionnels de santé indiqués.

 Au Bénin, quel est le traitement réservé aux patients souffrant d’Avc ? Y a-t-il un dispositif d’assouplissement des charges pour les plus démunis ?

Il me plait de rappeler que l'Avc ne se traite pas à la maison, ni chez les masseurs, les guérisseurs, les religieux ou tous autres mais à l'hôpital. Ceci est une remarque très pertinente pour les cas d'Avc que nous avons ici au Bénin. Les proches des victimes doivent arrêter de leur pratiquer le massage à tout bout de temps. Quand on a une victime d’Avc, on va voir les médecins pour un suivi médical approprié et non une auto-rééducation avec des massages qui malheureusement ont de lourdes conséquences sur la récupération.

Les victimes d'Avc sont pris en compte en termes de paquet d'intervention dans les centres de santé du Bénin, que ce soit au niveau périphérique (centres de santé d'arrondissement et hôpitaux de zone), intermédiaire (hôpitaux départementaux) et national (Cnhu-Hkm) de notre pyramide de santé. Cependant, à chaque niveau correspond un certain nombre de tâches et quand le besoin se fait sentir, les professionnels de santé, par les méthodes de référence et contre référence, font recours au niveau supérieur. C'est dire à la population béninoise qu'en cas d'Avc, il faut se rendre dans le centre de santé le plus proche car l'expertise nécessaire pour la prise en charge adéquate de cette maladie existe partout sur l'étendue du territoire. Pour ce qui est du dispositif aux plus démunis, ce dispositif existe et est déployé par les assistants sociaux qui sont dans nos hôpitaux, après vérification et évaluation de certains critères qui leur sont propres.

Comment se passe le suivi thérapeutique des patients souffrant d’Avc, en termes de rééducation et de réinsertion ?

C'est un champ assez vaste, mais l'objectif global de la rééducation chez un patient ayant fait un Avc est de retrouver l’autonomie la plus optimale possible, en fonction de ses capacités. Plus spécifiquement, nous travaillons à rééduquer la coordination des gestes, lutter contre les troubles orthopédiques, stimuler le schéma corporel et le schéma moteur, rééduquer la marche (avec ou sans aide technique), lutter contre les troubles d'équilibre, rééduquer la préhension et diminuer la dépendance fonctionnelle. Enfin, quand le programme de rééducation et de réadaptation se déroule dans de bonnes conditions, nous visons la réinsertion sociale, la reprise des activités quotidiennes et professionnelles et la participation sociale■