Lionel Fréjus Daniel Gangbè, diététicien nutritionniste: « On parle de menstrues précoces quand elles surviennent avant l’âge de 10 ans »
Santé
Par
Maryse ASSOGBADJO, le 09 août 2021
à
05h27
La précocité des menstruations chez les adolescentes n’est plus un tabou aujourd’hui. Si certains parents s’en inquiètent, Lionel Fréjus Daniel Gangbè, diététicien nutritionniste et spécialiste en promotion de la santé, justifie plutôt le phénomène par un ensemble de facteurs affectifs, sociaux et sanitaires. Il n’exclut aussi pas l’influence de l’alimentation et exhorte les parents à être disponibles pour accompagner les filles dans cette période délicate.
La Nation : La précocité des menstruations chez les adolescentes est devenue pratiquement la norme dans notre société aujourd’hui. Certains justifient le phénomène par leur alimentation. Etes-vous de leur avis ?
Lionel Fréjus Daniel Gangbè: L’Organisation mondiale de la Santé (Oms) définit l’adolescence chez les filles à partir de 10 ans. L’adolescence, c’est donc la période qui couvre la tranche d’âge de 10 à 19 ans. Cela veut dire que tant que la menstruation apparaît dans cette tranche, on ne saurait la qualifier de précoce. On parlerait de menstruations précoces lorsqu’elles surviennent avant l’âge de 10 ans. Beaucoup de facteurs expliquent ce phénomène. Il peut être d’origine psychologique ou hormonale. Le stress au niveau de l’environnement familial ou sociétal fait partie des causes psychologiques qui peuvent amener l’organisme à déclencher le processus des menstruations précoces. Cela peut s’observer chez les enfants qui sont très tôt exposés à la sexualité.
La première menstruation est à la fois source d’inquiétude et de complexité au sein des familles, selon qu’elle survient à un âge relativement précoce ou avancé. Qu’en dites-vous ?
On ne saurait définir un âge requis pour les premières menstruations. Elles apparaissent parfois chez certaines filles et disparaissent jusqu’à un certain âge. Les effets de pression ou encore des circonstances particulières peuvent provoquer cela. Des causes alimentaires, sanitaires ou affectives pourraient l’expliquer.
Existent-ils des types d’alimentation spécifiques à la base de cette situation ?
Nous sommes ce que nous mangeons. Il n’y a pas d’aspect de notre vie sur lequel l’alimentation n’a pas un impact direct. Nous consommons aujourd’hui beaucoup d’aliments trop gras, trop salés ou trop sucrés qui agissent sérieusement sur les hormones. Mais ce n’est pas parce que nous mangeons du maïs et de la banane à la fois par exemple que les menstruations interviennent précocement. L’alimentation peut jouer un rôle. Autrefois, elle était naturelle et subissait très peu de transformation.
Aujourd’hui, nous avons subi une transition nutritionnelle trop riche en sucre et en sel. Sans oublier le phénomène des organismes génétiquement modifiés (Ogm) et la production des aliments à base de pesticides. Tout cela a un impact sur la santé que la science même n’a pas encore fini de déceler et peut expliquer la survenue précoce des menstruations chez les filles. Une alimentation trop riche en sucre entraîne au niveau du pancréas une augmentation de la production de l’insuline. Ce qui peut entraîner au niveau du cycle de la femme une augmentation de la production des prostaglandines (hormones à la base des contractilités au niveau de l’utérus) qui provoquent des règles douloureuses.
Quelles sont les habitudes alimentaires à privilégier pour améliorer le bien-être de l’adolescente avant et pendant les menstruations ?
Il faut la soumettre à une alimentation équilibrée en quantité et en qualité pour améliorer son bien-être. Sur le plan qualitatif, il importe de lui apporter les différents nutriments dont l’organisme a besoin pour bien fonctionner. Il faut manger en quantité suffisante les différents groupes alimentaires susceptibles de fournir à l’organisme les nutriments nécessaires à son fonctionnement. Le guide alimentaire béninois téléchargeable sur internet gratuitement renseigne sur les différents groupes d’aliments et aide à faire de meilleurs choix alimentaires. Le groupe des céréales et tubercules procure à l’organisme des glucides. Celui des légumineuses, viandes et poissons lui procure des protéines. Et celui des fruits, légumes et produits laitiers fournit à l’organisme le calcium. Manger équilibré qualitativement et quantitativement suppose que l’adolescente doit prendre au moins un aliment de chaque groupe. Il n’est pas dit qu’à chaque repas, il faut un produit laitier.
Toutefois, on en tient compte pour rappeler l’importance du calcium surtout chez les enfants et les adolescents, afin de soutenir leur croissance osseuse. Les aliments trop sucrés pendant les menstrues sont déconseillés. Il en est de même des boissons sucrées, gazeuses, alcoolisées et des caféines.
D’aucuns disent que les régimes trop stricts ne sont pas toujours favorables à la survenue des menstruations. Dans ces conditions, n’expose-t-on pas les adolescentes à des risques sur le plan sanitaire ?
Les régimes ne sont pas indiqués lors des menstruations. Il ne s’agit pas de faire des restrictions. Ce n’est pas une période où il faut exposer l’enfant à la dénutrition. L’habituer à ces restrictions, c’est lui faire prendre des habitudes non indiquées qu’elle peut développer jusqu’à la ménopause. Il faut juste manger équilibré en évitant surtout le trop plein de sucre.
Quelle doit être la part de responsabilité des parents ?
L’adolescence est une période sensible. C’est une période où les filles vont développer leurs caractères sexuels, poussent les seins, les fesses, les poils du pubis et les premières menstruations. Il faut préparer psychologiquement l’enfant à cela, encadrer leur hygiène menstruelle. L’encadrement parental est inévitable pour assurer une gestion adéquate des menstruations chez les adolescentes. C’est une période où la croissance de la fille atteint son summum. Il faut aider l’enfant à avoir une alimentation équilibrée au cours de cette période en vue de couvrir l’essentiel de ses besoins alimentaires. Autrement, cela peut provoquer sa dénutrition. Or, lorsqu’une adolescente est dénutrie, elle est susceptible d’engendrer plus tard des enfants malnutris. Un enfant malnutri est un facteur de sous-développement.