La Nation Bénin...
A l’hôpital de zone de Suru-Léré à Cotonou ce mardi matin, il est 11 h, le service de kinésithérapie ne désemplit pas. Entre les va-et-vient des accompagnateurs et les cris des patients, se distingue une demi-douzaine d’agents en blouse blanche. Immersion dans l’univers des kinésithérapeutes, un milieu peu connu du grand public.
Situé au fin fond de l’hôpital, le service de kinésithérapie de Suru-Léré est débordé ce mardi matin. Devant le service, des patients attendaient encore leur tour de passage. Parmi eux, des personnes du troisième âge et des moins âgés, hommes et femmes. La quasi-totalité des patients rencontrés ce jour ont un point commun : ils ne peuvent se mouvoir tout seul ou facilement. Et plus surprenant, de nombreux enfants, des nourrissons en particulier, se comptent parmi ces patients. Une fois dans la salle de rééducation, le spectacle est tout autre. Entre plaisanteries et cris de douleur, patients, accompagnateurs et kinésithérapeutes s’évertuent à rendre ces moments le moins difficile possible.
Myriam Attondé, kinésithérapeute, vient d’achever une séance de massage sur un bébé. Elle nous explique l’importance de la kinésithérapie dans le système sanitaire béninois. Elle est définie comme le traitement par les mouvements. Il s’agit d’une science paramédicale qui utilise toute sorte de mouvements ou activités physiques pour soigner un mal précis. Comme beaucoup d’autres services en médecine, les bienfaits de la kinésithérapie ne sont connus que de ceux qui en ont bénéficié ou de leurs proches. Pourtant, cette spécialité semble être aujourd’hui au cœur de la médecine. « Nous intervenons dans tous les domaines de la médecine », explique-t-elle. A l’en croire, la kinésithérapie intervient en rhumatologie, dans les cas d’arthrose, de lombalgie, de gonalgie ; en traumatologie, dans les cas de fractures, de luxations, d’entorses ; en neurologie, dans les cas de paralysies, d’hémiplégies, de tétraplégies et de paraplégies; en cardiologie la kinésithérapie prend en charge les affections cardiorespiratoires, les pneumonies ; en otorhinolaryngologie (Orl), elle s’occupe par exemple des paralysies faciales, des bronchiolites chez les enfants. « En pédiatrie, nous avons aussi beaucoup d’affections dans lesquelles nous intervenons. En général, quand on prend toutes les spécialités médicales, la kinésithérapie intervient dans le traitement de beaucoup de pathologies », conclut Myriam Attondé.
Des nourrissons sauvés de l’étouffement
S’agissant des nombreux enfants présents dans ledit service, elle confie, que pour la plupart, ils sont en traitement pour la bronchiolite, c’est-à-dire l’accumulation de toux et de rhume chez l’enfant. « La kinésithérapie va aider à désencombrer les voies respiratoires parce que l’enfant ne peut pas tousser et cracher comme un adulte alors qu’il y a le mucus qui est là et qui empêche la respiration et amène l’enfant à s’étouffer », explique-t-elle. Elle assure qu’avec une série de séances, l’enfant s’en sort très bien.
A en croire Myriam Attondé,«Le kinésithérapeute travaille sur prescription médicale. Il faut que le patient ait déjà consulté un médecin qui, au vu des traitements nécessaires au patient, lui prescrit la kinésithérapie pour améliorer la récupération chez ce malade ». Elle a par ailleurs indiqué les maux les plus fréquents dont souffrent les patients qui fréquentent ce service. Ils y sont généralement pour des problèmes de rhumatologie, le mal de dos et toutes les douleurs de la colonne vertébrale, les arthroses au niveau des genoux et des hanches. Il y a aussi les fractures et les suites des AVC qui sont de plus en plus fréquents même chez de jeunes patients.
La kinésithérapie est très peu connue au Bénin, soutiennent certaines personnes. L’affluence constatée au niveau de ce service à Suru-Léré semble démentir une telle assertion. « Il y a des périodes d’affluence et des périodes d’accalmie mais les périodes d’affluence sont plus longues », souligne la kinésithérapeute. En plus, la kinésithérapie, en termes de formation, a débuté au Bénin, il n’y a pas si longtemps. C’est en l’an 2000 que la formation des kinésithérapeutes a commencé au Bénin, donc elle est très jeune par rapport aux autres disciplines ; ceci pourrait expliquer, selon elle, cette méconnaissance. Pour mieux faire connaître cette discipline, l’association regroupant les kinésithérapeutes du Bénin mène des activités à l’occasion de la journée internationale de la kinésithérapie célébrée le 8 septembre de chaque année.
Des patients satisfaits
Il n’est pas courant de rencontrer des patients totalement satisfaits des services offerts par nos hôpitaux publics qui sont souvent décriés. A l’hôpital de zone de Suru-Léré, les patients rencontrés au service de kinésithérapie se disent satisfaits de l’accueil et de l’ambiance « familiale » qui y règne. Dame Prudence Agbenouvor est une habituée dudit service. Victime d’une hémiplégie de ses membres, elle en est à sa 35e séance et réapprend à se servir de ses membres. « J’ai noté beaucoup d’amélioration depuis que j’ai commencé mes séances ici. Sans la rééducation, je ne pouvais rien faire. J’ai constaté que quand on fait la rééducation à la maison, ce n’est pas profitable au patient, quand on vient à l’hôpital c’est plus efficace parce qu’il y a tout ici », confie-t-elle. Les améliorations constatées l’encouragent à poursuivre les séances. « Et ce qui est bon, les kinésithérapeutes qui sont ici ne se fâchent pas, au contraire, ils vont te faire rire et te motivent. Mais la rééducation elle-même, c’est l’enfer, c’est très douloureux mais ce qui est encourageant, avec le temps, la douleur diminue et c’est plus facile maintenant », poursuit dame Agbenouvor. Elle affiche son optimisme quant à l’évolution de la rééducation dont elle bénéficie : « Avant, on me prenait parce que je ne marchais pas. Mais maintenant, je marche petit à petit avec l’espoir que d’ici quelque temps, je retrouverai ma forme d’avant ».
Eno Gnonlonfoun, un autre patient dudit service témoigne : « Honnêtement, je regrette parce que le Béninois ne connaît pas encore l’importance de la kinésithérapie. Si tu ne sens pas quelque chose ou si tu n’as pas un mal, tu ne peux pas découvrir ce milieu ». Face à la persistance d’une douleur qu’il ressentait depuis près de trois mois au niveau d’un membre, il dit s’être rapproché d’un spécialiste de la santé qui lui a recommandé dix séances de massage et de rééducation chez le kinésithérapeute. « Une fois ici, je vois que c’est un monde à part qu’on ignore. Dites-vous que je ne suis qu’à la cinquième séance et j’ai déjà eu satisfaction », laisse-t-il entendre fièrement. « Il faut vraiment plus d’encouragement et de promotion pour ce service, il faut beaucoup plus de sensibilisation de la population parce que beaucoup de gens souffrent à la maison et ne savent pas qu’il y a de telles magies cachées dans nos hôpitaux et comment s’y prendre pour en bénéficier », propose ce patient?