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Syndrome d’alcoolisation fœtale: Un risque méconnu par les femmes enceintes

Santé
Par   Reine AZIFAN, le 30 mai 2017 à 08h23

La consommation de l’alcool est une pratique courante dans notre société. Sa consommation abusive est source de nombreux problèmes de santé. Elle l’est davantage pour la femme enceinte qui expose son enfant au syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF), un risque largement méconnu.

La consommation abusive de l’alcool est à l’origine de nombreux problèmes de santé tels que les troubles mentaux et comportementaux, la dépendance à l’égard de l’alcool, la cirrhose du foie, certains cancers. Elle occasionne également des traumatismes résultant d’actes de violence et d’accidents de la circulation. Lorsque la femme enceinte s’adonne à cette pratique, elle s’expose non seulement aux risques sus-énumérés mais expose au même moment son enfant à un problème de santé assez méconnu : le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF). « La consommation d’alcool en grande quantité est la cause directe du syndrome d’alcoolisation fœtale », souligne Svetlana Popova, chercheur principal chargé de l’épidémiologie de la consommation d’alcool pendant la grossesse. Dans une interview publiée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), elle explique que, selon les estimations, une femme sur 10 en moyenne dans le monde consomme de l’alcool pendant la grossesse et que 20% de ces femmes en consomment en grande quantité, c’est-à-dire qu’elles prennent quatre boissons alcoolisées ou plus en une seule fois. Le drame, c’est que la plupart le font en ignorant qu’elles sont enceintes et boivent au premier stade de leur grossesse. Cela est très inquiétant, souligne le chercheur.
« Même pour le secteur de la santé, les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale sont relativement nouveaux. Nous comprenons maintenant mieux par quels mécanismes l’alcool a des effets nocifs sur le fœtus mais cela ne s’est pas traduit par une meilleure connaissance des risques par le grand public », constate-t-elle.
Une thèse que confirme Dr Daouda Sikirou, gynécologue obstétricien à Cotonou. Selon lui, « Les risques liés à la consommation d’alcool pendant la grossesse, dont le syndrome d’alcoolisation fœtale, restent méconnus du grand public et mal évalués par les professionnels de santé ». Il explique que « Ce terme se rapporte à un tableau clinique, caractéristique de dégâts organiques et psychosociaux affectant un nouveau-né et dus à la consommation d’alcool excessive et/ou chronique de la mère pendant la grossesse ». Il est clair que tout ce que la femme enceinte fait et consomme pendant la grossesse impacte directement le fœtus. « Lorsqu’une femme enceinte boit de l’alcool, celui-ci ainsi que le produit de sa dégradation (l’acétaldéhyde) passent directement du placenta dans le sang de l’enfant à naître », précise Dr Daouda Sikirou.
Même s’il n’y a pas une estimation statistique de la consommation d’alcool chez la femme enceinte dans notre contexte, le Dr Sikirou soutient que le problème existe et il est bien réel. « Certaines femmes ignorent que la plupart des bières sont alcoolisées », ajoute-t-il.
Svetlana Popova affirme que « Toutes les femmes enceintes qui boivent de l’alcool ne donnent pas forcément naissance à un enfant porteur d’un syndrome d’alcoolisation fœtale, car la quantité d’alcool consommée n’est pas toujours la même et chaque mère, chaque fœtus a des capacités différentes de métaboliser l’alcool et de nombreux autres facteurs peuvent influer sur leur vulnérabilité ». Selon ses estimations, une femme sur 67 consommant de l’alcool pendant la grossesse donnera naissance à un enfant porteur d’un SAF, ce qui signifie qu’environ 119 000 enfants naissent atteints de ce syndrome chaque année dans le monde.

Zéro alcool pendant la grossesse 

Les conséquences de la consommation d’alcool par la femme enceinte sont multiples, irréversibles et impactent largement depuis la naissance jusqu’à l’adolescence et à l’âge adulte. Et tous les organes peuvent être touchés. Parlant des conséquences de la consommation de l’alcool sur l’embryon et le fœtus, Dr Sikirou indique que « L’alcool est responsable d’une dégénérescence neuronale par apoptose (mort programmée des neurones). Cette neurodégénérescence se déroule à partir du 6e mois de grossesse ». De même, poursuit-il, le SAF se caractérise chez l’enfant par un retard de croissance, des malformations cranio-faciales, des malformations congénitales et des déficits cognitifs et comportementaux. Au nombre des symptômes physiques qui peuvent faire partie du SAF, il cite : le poids et la taille au-dessous de la moyenne, petit pourtour crânien (microcéphalie), plis aux coins des yeux, petite ouverture des yeux, nez court et aplati, fine lèvre supérieure, absence de couloir entre la lèvre supérieure et le nez. A cela s’ajoutent les troubles neuropsychologiques spécifiques dont les troubles du sommeil, la réduction du réflexe de succion chez le nouveau-né, le retard dans le développement mental, les troubles de l’attention et de la mémoire, les troubles de l’élocution et de l’ouïe.
Pourtant, ces effets peuvent être évités. « Zéro alcool pendant la grossesse », tel est le message que le Dr Sikirou envoie à toutes les femmes enceintes. Au-delà de la sensibilisation de la population générale sur cette problématique, il souhaite que les femmes enceintes soient davantage informées des effets nocifs de la consommation d’alcool pendant la grossesse et des risques pour leur fœtus. En informant systématiquement  les femmes ainsi que leurs partenaires, on peut les encourager à la plus grande prudence en matière de consommation d’alcool car aucune femme, encore moins son partenaire, ne souhaite avoir un enfant malade ou handicapé.