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Appui aux plus démunis au Bénin: De la précarité à l’autonomisation, l’autre facette du social

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... c'est le cas de Yvette Takou, revendeuse de produits vivriers et de Blandine Atti, revendeuse de  fromage à base de soja ... c'est le cas de Yvette Takou, revendeuse de produits vivriers et de Blandine Atti, revendeuse de fromage à base de soja

Les personnes indigentes sortent peu à peu de la vulnérabilité et amorcent le processus de leur autonomisation. Elles sont désormais dotées de divers secours non remboursables, leur permettant de démarrer ou de renforcer une activité génératrice de revenus. 

Par   Isidore GOZO, le 06 mars 2024 à 08h45 Durée 5 min.
#Appui aux plus démunis au Bénin

Hortense Bassaley, la trentaine environ et résidant à Dassa-Zoumé, était loin de s’imaginer qu’elle allait, seule, faire face, aux charges de ses six enfants dont certains sont encore à bas-âge. Son mari venait de perdre la vie à l’hôpital, à la suite d’un accident de la circulation en ce mois de mai de l’année 2021. «Je me rappelle comme si c’était hier lorsque j’ai perdu mon mari dans un accident de la circulation. Je m’apprêtais à aller vendre de la bouillie lorsque j’ai reçu le coup de fil m’informant que mon mari venait d’être percuté par un véhicule et qu’il était à l’hôpital. Ce jour-là, toutes nos économies sont parties en fumée et par malheur, mon mari est décédé », raconte-t-elle. Pour avoir refusé le lévirat, Hortense se verra confrontée à toutes sortes de situations. Menaces de la belle famille, accusations de sorcellerie, enfants déscolarisés, maladies tous azimuts, difficultés à joindre les deux bouts, la jeune dame dit avoir vécu de pires moments loin de son village. « Les enfants et moi étions abandonnés. Personne dans ma belle-famille n’est venu à notre aide », a-t-elle confié en cet après-midi du lundi 19 février 2024.


Grâce aux appuis de l'Etat à travers les Centres de promotion sociale, les personnes indigentes arrivent à sortir de leur état de précarité, ....

C’est dans cette situation qu’elle reçoit un matin, la visite inopinée d’une amie qui lui propose d’aller soumettre ses difficultés au Centre de promotion sociale de sa localité.  Hésitante au départ, elle finit par accepter. « La première fois que j’ai mis pieds au Centre de promotion sociale d’Allada, une dame m’a écouté religieusement. A la fin de la séance, je suis repartie avec quelques vivres qu’elle m’a donnés. Cela m’a permis de nourrir mes enfants pour quelques jours. C’est suite à cela, et après diversses procédures, qu’ils m’ont donné la somme de 50 mille pour m’aider à reprendre mon activité de vente de bouillie», se rappelle-t-elle. Depuis qu’elle a redémarré son petit commerce de vente de bouillie de mil, Hortense Bassaley se sent plus ou moins autonome et arrive à subvenir aux besoins de ses enfants qui pour la plupart ont repris le chemin des classes. 

Des secours de toutes sortes

A l’instar de Hortense Bassaley, de nombreux hommes et femmes vivant dans la précarité bénéficient des services des Centres de promotion sociale pour démarrer ou renforcer une activité génératrice de revenus. Encore appelés Guichet unique de protection sociale, ces centres installés dans toutes les communes du Bénin sont des services déconcentrés de l’Etat sous la tutelle de la direction départementale des Affaires sociales et de la Microfinance. Leur rôle consiste à satisfaire les besoins des populations les plus vulnérables à savoir : les veuves ou veufs, les enfants en situation difficile, les personnes âgées, les personnes vivant avec le Vih, les adultes indigents, les personnes victimes des Violences basées sur le genre et bien d’autres. C’est en fonction des situations de chaque personne qu’ils définissent le secours qui lui convient. Parmi les secours, on distingue les secours immédiats, les secours temporaires ou nationaux et autres types d’appuis qui regroupent des appuis à la réinsertion socioprofessionnelle des jeunes vulnérables, des accompagnements des élèves garçons en situation de vulnérabilité en kits scolaires, des accompagnements des personnes âgées, des personnes handicapées et des ménages vulnérables. « Les secours immédiats dans leur essence visent à satisfaire les besoins de façon immédiate ou ponctuelle.


Bernice Etchiha,C/Ssphpa à la Ddasm-Atl 

Le montant de ces appuis varie entre 15 et 20 mille et on demande généralement le Certificat d’identification personnel et l’acte de naissance. Quant aux secours nationaux ou temporaires, cela prend du temps et requiert la constitution de plusieurs dossiers », explique Georgette Capo-Chichi, chef du Centre de promotion sociale de Bantè. 

Des actions mises en œuvre

 

A Allada dans le département de l’Atlantique, le Centre de promotion sociale (Cps) reçoit tous les jours des requérants à qui il apporte telle ou telle satisfaction. « Quelle que soit la nature du secours, lorsque nous recevons l’usager, nous l’écoutons d’abord. Ensuite, nous faisons une évaluation approfondie qui permet de mieux cerner la situation et d’établir pour lui, un plan d’accompagnement.


Moucharaf Adiga Komabanin, Ddasm Collines

C’est dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’accompagnement qu’on peut être amené à choisir le type de secours qui lui convient », précise Modérand Dazounkpa, chef du Centre de promotion sociale de Dassa-Zoumé. 

Dans les communes de N’dali et de Parakou, localités situées à 452 et 364 km d'Allada, les Cps déploient sur le terrain plusieurs stratégies pour apporter secours et assistance aux personnes en situation de vulnérabilité. A part les usagers qui viennent de leur propre chef pour poser des problèmes divers, les Cps organisent aussi périodiquement des descentes dans les zones reculées afin d’échanger avec les populations sur les actions qu’ils mènent dans la localité.

A N’dali, en plus des secours Enfance malheureuse, des secours Indigents, le Cps accompagne les populations à bénéficier d’autres secours à savoir : les secours triplés, les secours sinistres et le Paquet minimum d’interventions. « Le secours sinistre que nous offrons est apporté à une personne qui, à un moment donné, se retrouve dans une situation de sinistre.

Quant au Paquet minimum d’interventions (Pmi), il s’agit d’un appui apporté aux enfants en situation difficile et qui sont victimes de violences, d’exploitation économique ou à risque », souligne Roger Kankangbé, chef du Centre de promotion sociale de N’dali qui affirme qu’avec le Pmi, il est possible d’offrir des repas à un enfant retrouvé dans la rue ainsi que des vêtements et des kits de couchage, le temps de le réintégrer dans une famille d’accueil.

Mais contrairement aux autres localités, le Cps de N’dali ne dispose pas de secours immédiats pouvant aider les populations mais il dit faire de son mieux pour les soulager. « Même si nous ne disposons pas de ressources immédiates pour pouvoir accompagner le requérant qui par exemple vient nous voir avec des problèmes de santé, nous négocions avec les agents de santé qui font les soins à ces derniers que nous remboursons par la suite », précise-t-il.

Au Cps 2 de Parakou, Hélène Lokonhoundé Nobré et ses collaborateurs mènent chaque semaine des séances de sensibilisation sur le terrain pour se faire connaître des usagers. Dans cette commune également, le Cps apporte plusieurs types d’aides aux requérants à savoir: les secours immédiats, les secours maladies, les secours Enfance malheureuse, les secours Indigents, les aides nutritionnelles. « Lorsque nous écoutons le requérant, nous faisons des descentes dans son domicile pour nous imprégner de ses conditions de vie et c’est en fonction de cela que nous définissons quel appui lui apporter. Pour les femmes ayant à charge plusieurs enfants et sans soutien, nous les accompagnons avec des soutiens immédiats pouvant leur permettre de démarrer une activité qu’elles mêmes auront identifiée », souligne-t-elle. Également au Cps de Sô-Ava et d’Allada, le mécanisme de protection des personnes vulnérables demeure le même. 

Mais, pour faire bénéficier les secours temporaires ou nationaux aux requérants, les Centres de promotion sociale procèdent à un long processus d'identification de ces derniers, notamment l'enregistrement des demandes, la réalisation de l'enquête sociale, la constitution du dossier de demande, la soumission du dossier à la Commission communale de gestion des secours.  Cette commission est composée de sept personnes dont le maire de la commune ou son représentant, le responsable du Centre de promotion sociale, le chef service des Affaires sociales de la mairie, le receveur percepteur, le médecin chef, le chef de brigade et le chef de la circonscription scolaire. Elle est chargée d’étudier et de sélectionner les dossiers soumis par le Cps, d’attribuer les secours, d’appuyer le Cps dans le suivi des bénéficiaires de secours et d’évaluer l’impact des secours sur les bénéficiaires et la communauté. Après les assises de la Commission communale de gestion des secours, tous les dossiers retenus sont convoyés vers les directions départementales.

Dans leur rôle de coordination et de supervision des actions que mènent les Centres de promotion sociale, les directions départementales des Affaires sociales et de la Microfinance représentent le ministère des Affaires sociales et de la Microfinance au niveau des 12 départements. Là, les directions reçoivent les dossiers de la Commission communale de gestion des secours et convoquent la Session départementale d’étude des dossiers. Composée de sept membres à savoir : le préfet du département ou son représentant, le directeur départemental de la Famille, de la Femme et de l’Enfant, le receveur des finances du département, le directeur départemental en charge du Plan, le directeur départemental de la santé publique, un représentant du syndicat national des techniciens sociaux du Bénin, un représentant de l’Association départementale des communes du Bénin, cette commission apprécie les données centralisées par les Cps sur les demandes de secours, suit, contrôle et évalue la gestion des secours et autres. « Chaque membre prend acte de ses attributs dans la commission. Si vous participez à ses séances, c’est vraiment houleux parce que c’est un travail technique qui se fait. On débat suffisamment et il faut que les sept membres de la commission s’accordent sur chaque dossier », informe Bernice Etchiha, chef Service de la santé, de la protection des personnes handicapées et des personnes âgées à la direction départementale des Affaires sociales et de la Microfinance de l’Atlantique. 

« Lorsque au niveau des Cps, les personnes indigentes sont identifiées, l’enquête sociale menée, les rapports produits, les dossiers sont constitués et envoyés en commission communale au niveau de chaque commune. Ces commissions communales, avec à leur tête le maire de la commune, siègent pour approuver et valider les dossiers. Lorsqu’elles finissent d’approuver ces dossiers, elles les envoient vers la direction départementale. Ici, on passe au peigne fin chaque dossier pour voir s’il respecte les conditions requises. Ce n’est qu’après cela qu’on retourne à chaque Cps, la liste des personnes retenues », a expliqué Moucharaf Adiga Komabanin, directeur départemental des Affaires sociales et de la Microfinance des Collines qui fait savoir que dès que les fonds sont disponibles, les requérants sont convoqués pour prendre les sous. « La direction est là pour suivre la bonne mise en œuvre des actions des Cps suivant l’orthodoxie financière et suivant les textes qui régissent l’action sociale et les normes en matière de protection sociale à travers les services offerts aux populations», a-t-il ajouté.

 

Des statistiques

Au cours de l’année 2023, divers appuis ont été apportés aux personnes vulnérables. Sur 200 dossiers constitués et transmis par les 10 Centres de promotion sociale de l’Atlantique à leur direction départementale, 167 dossiers ont été retenus. Après étude de ces dossiers par la commission départementale, 146 requérants ont bénéficié d’une somme de 8 millions.  Dans le département du Borgou, 865 personnes ont été prises en charge à savoir : 336 personnes en kits nutritionnels, 109 victimes de Violences basées sur le genre, 112 personnes handicapées, 95 personnes âgées, et 125 ménages pauvres pour un montant de 14 millions 165 mille. Le département prend aussi en charge une autre catégorie d’enfants appelés des enfants en situation difficile. «Avec l’aide de l’Unicef, nous avons pu élaborer une grille de vulnérabilité. Selon cette grille, nous avons défini un Paquet minimum d’interventions pour encadrer les prises en charge. Par rapport à cette catégorie d’enfants en situation difficile, nous avons pu secourir 1 141 enfants pour une valeur de 27 millions 255 mille.125 ménages pauvres sont accompagnés pour une valeur de 6 millions 250 mille à raison de 50 mille francs par ménage pour leur permettre de mener des activités génératrices de revenu », informe Bakourégui Suanon, directeur départemental des Affaires sociales et de la Microfinance du Borgou. Dans le département des Collines, personne n’a bénéficié de secours nationaux au cours de l’année 2023. Par contre, pour ce qui concerne les secours immédiats, 265 orphelins et enfants vulnérables, 150 personnes victimes de violences basées sur le genre, 170 personnes âgées, 137 personnes handicapées, 87 personnes vivant avec le Vih, 180 personnes en situation difficile et 389 personnes indigentes ont été pris en charge.

Suivi des fonds et autonomisation

En vue de garantir l'atteinte des objectifs, les compétences des bénéficiaires des secours sont renforcées en matière d'éducation financière et les dispositions sont prises par les Centres de promotion sociale aux fins d'effectuer des suivis réguliers de la gestion des fonds d'une part et de l'amélioration de la situation sociale des bénéficiaires d'autre part. «Autrefois, les fonds se donnaient sans suivi. Aujourd’hui, le suivi se fait de façon mensuelle. Les Cps effectuent des descentes sur le terrain pour voir l’activité que mènent les bénéficiaires et recueillir à nouveau leurs difficultés », martèle le directeur départemental des Affaires sociales des Collines. Fernande Adékou, administrateur de l’action sociale et chef service du Social, des personnes handicapées et des personnes âgées à la direction départementale des Affaires sociales et de la Microfinance du Littoral, confirme que le suivi se fait de façon mensuelle avec des rapports qui sont par la suite envoyés au niveau des directions départementales. Elle déclare que les résultats de ces suivis permettent de savoir si la personne indigente a pu évoluer dans son activité.

La direction aussi fait des supervisions aussi bien sur le plan administratif que technique. « Lors de notre descente l’année dernière à Kpomassè, on a vu une dame qui avait des sacs de maïs, de haricot et de gari dans son salon. Elle nous a raconté qu’elle a reçu la somme de 50 mille de la part du Cps de sa localité, ce qui lui a permis de se lancer dans l’achat, le stockage et la revente des produits vivriers. De demi-bassine au départ, cette dame se retrouve aujourd’hui avec des sacs de produits vivriers. C’est une preuve parmi tant d’autres de leur réelle autonomisation », témoigne Bernice Etchiha, chef service de la santé, de la Protection des personnes handicapées et des personnes âgées à la direction départementale des Affaires sociales et de la Microfinance de l’Atlantique.  Fernande Adékou confie quant à elle, que ces appuis impactent réellement la vie de plusieurs d’entre les bénéficiaires. Elle note que les peronnes qui exerçaient une activité avant de tomber dans la vulnérabilité s’en sortent plus facilement que celles qui n’ont jamais exercé d’activités génératrices de revenu