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Réserve de biosphère Bouche du Roy à Grand-Popo: Dans l’univers des oiseaux migrateurs de Gbeffa

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Ces mangroves à fort pouvoir calorifique servent également de zone de frayère aux poissons Ces mangroves à fort pouvoir calorifique servent également de zone de frayère aux poissons

La nature est belle dans la réserve de biosphère Bouche du Roy, grâce à l’attrait des oiseaux migrateurs de Gbeffa à Grand-Popo. A la recherche de calme et de vie, ils viennent par centaines se poser sur l’île, contribuant ainsi au développement touristique de la zone.

Par   Maryse ASSOGBADJO, le 14 mars 2024 à 13h53 Durée 6 min.
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Des oiseaux chantant dans le ciel de la Réserve de biosphère Bouche du Roy à Grand-Popo. Nous sommes derrière l’Ecole primaire publique de ‘’Gbeffa’’, (la vie est douce) précisément sur l’île aux oiseaux. La douceur des lieux, les oiseaux nicheurs migrateurs la savourent à plein temps. Que le ciel soit nuageux ou ensoleillé, leur décor est un art : couleurs blanche, kaki, cendre, noire, grise....

Les passionnés des oiseaux les contemplent à satiété. Véritable attraction pour les touristes, le site de Gbeffa représente tout un empire. Des dizaines d’espèces façonnent leur monde. Leur liste est longue : cormoran, aigrettes gazettes, aigrettes ardoisées, grandes aigrettes, marouettes, héron cendré, héron strié, héron pourpré, martin-pêcheur pie, martin-pêcheur pygmée, chevalier guignette, jacana, canard d’eau, courlis, sternes royales, passereaux (euplecte monseigneur, euplecte vorabé, euplecte franciscain), coucal du Sénégal, bulbul des jardins, héron bihoreau, héron crabier, noir cap loriot, pririt à collier, gonolek de barbarie, guêpier à collier, touraco gris, tisserin, vanneau epironné, héron garde-bœuf ou pique bœuf, héron intermédiaire, tourterelles à collier, cigogne à bec ouvert, rapaces (aigres, milan noir, piac piac, corbeaux pi)..., toutes ces espèces constituent des attractions pour le site. Elles viennent de partout et vont là où le vent les emmène. Leurs chants mélodieux apaisent. D’une superficie de 4,304 ha, l’île de Gbeffa est l’une des merveilles de la réserve de biosphère Bouche du Roy. Située dans le village d’Alongo, (premier village à l’ouest de la réserve), elle est suffisamment couverte de man groves et abrite les oiseaux de la réserve et des centaines d’autres espèces migratrices.

« L’île aux oiseaux est l’un des sites de la Réserve de biosphère, qui fait partie du circuit biodiversité. La réserve abrite plus de soixante-dix espèces d’oiseaux dont une vingtaine vivant principalement sur l’île, considérée comme le noyau où séjournent le plus d’oiseaux. La population de ces oiseaux est évaluée à plus de quarante mille individus sur l’île », explique Lazare Dossa, spécialisé dans les visites de l’Aire communautaire de conservation Bouche du Roy (Accb), président des guides de tourisme de Grand-Popo.

L’île grouille en hiver

Difficile de déterminer avec précision l’altitude à laquelle les oiseaux voltigent. Toujours est-il qu’ils volent et volent dans l’air sur des milliers de kilomètres. En hiver, ils viennent par centaines pour nicher dans les feuillages de mangroves et animer l’île, offrant un magnifique spectacle aux touristes.

Leurs mouvements sont davantage perceptibles à partir du mois de juin jusqu’en avril, en raison du froid dans leur pays de provenance. « En Europe, tout est couvert de neige pendant l’hiver. Du coup, ils migrent vers d’autres pays à la recherche de chaleur », souligne Ekué Franck Affanou, assistant de projet à Eco-Bénin.

Il faut attendre le mois d’octobre pour vivre une autre ambiance sur le site. En cette période, l’île grouille d’oiseaux. Dans les prairies de la réserve Bouche du Roy, les oiseaux migrateurs sont accueillis par les espèces autochtones (aigrettes, cormoran, martins-pêcheurs, oiseaux au cou blanc noir, ...).

Les autochtones reviennent toujours à la source après de longs périples ailleurs. Entre-temps, des ornithologues les ont bagués (mettre un signe distinctif) afin e mieux tracer leur itinéraire.

« A partir de là, nous avons su que les oiseaux prennent du temps considérable pour voyager dans le monde. Ils vont en Belgique, en France, en Espagne.... Dans le même temps, les cigognes à bec ouvert par exemple ne sortent pas de l’Afrique », développe Lazare Dossa.

Fientes et poissons pour pré- server l’écosystème

L’île aux oiseaux sert également de zone de frayère pour les poissons. Lazare Dossa explique le mode opératoire des oiseaux en matière de préservation de l’écosystème : « Avant de s’installer, les oiseaux analysent beaucoup les îles qui sont inondées à chaque marée. Etant donné qu’ils sont des piscivores (se nourrissent de poisson), les fientes qu’ils libèrent attirent certaines espèces de poissons qui viennent les manger. Les oiseaux ne pouvant pas se déplacer pour aller chercher du poisson ailleurs, descendent simplement aux pieds des mangroves sur lesquelles ils se situent pour pêcher les poissons qui viennent manger les fientes». Même en période de crue, les touristes ne se lassent pas d’aller plus loin sur l’eau afin d’apprécier leur splendeur et de prendre également des photos. Ce n’est qu’à ce moment que le bruit des moteurs des engins motorisés arrive à perturber la quiétude des oiseaux « parce qu’ils n’y sont pas habitués ». L’ayant compris, les piroguiers éteignent le moteur de leur pirogue à l’approche de leurs zones d’occupation.

Un guide touristique est commis à chaque circuit biodiversité. Le circuit dure trois heures de temps. Lazare Dossa, président des guides de tourisme de Grand-Popo, est mieux placé pour évoquer les atouts du site. « L’aire communautaire de conservation de la biodiversité de la Bouche du Roy (Accb) contient plus d’une vingtaine d’îles, dont l’île aux oiseaux de Gbeffa qui est plus fréquentée par les oiseaux. On enregistre en moyenne, deux cent cinquante touristes par mois pour la visite de l’Accb », se réjouit-il.

Les oiseaux nicheurs protègent l’homme

Les oiseaux nicheurs migrateurs jouent un rôle dans l’équilibre de l’écosystème. Ils protègent les êtres humains. « Ces oiseaux sont chargés de dévorer tous les insectes, surtout les insectes nocturnes qui ont tendance à perturber l’homme. Si on devrait laisser le nombre d’insectes que consomment les oiseaux par semaine dans la nature, la vie ne sera pas facile à vivre. Si on tue un oiseau, c’est à peu près dix kilogrammes de surplus d’insectes que l’on crée dans l’environnement », explique Ekué Franck Affanou. Paradoxalement, les hommes les remercient souvent en monnaie de singe. L’installation des filets de pêche à des endroits sensibles sur l’île, la transhumance, la coupe des mangroves, sont quelques pressions anthropiques sur l’écosystème. « Pour avoir des captures plus fructueuses, certains pêcheurs vont au fond de l’île pour placer des pièges à poissons », dénonce-t-il.

Mieux, poursuit-il, la luxuriance «de la mangrove n’empêche pas les communautés à la recherche de bois de chauffe de couper les bois, parce que les mangroves ont un fort pouvoir calorifique. Or pour les couper, il faut faire du bruit. A partir de cet instant, les oiseaux fuient parce que se sentant menacés ».

Pourtant, la protection des oiseaux est indispensable. Elle a pour but de sauver certaines espèces en voie de disparition et de permettre à la postérité de mieux les connaître. D’où la veille de Eco-Bénin. « Nous fai- sons de la sensibilisation et le reboisement des bois d’acacia, des écosystèmes des mangroves. Il est envisagé dès les premiers mois de 2024, un projet de mise en défense du site. Il permettra la construction d’une clôture en bambou, afin de délimiter une bande de servitude, de compléter le nombre d’espèces de palétuviers sur le site, de mettre des panneaux d’interdiction et de faire des sensibilisations à grand public dans les villages pour mieux protéger les espèces », développe Ekué Franck Affanou. A cela s’ajoute la mise en place des cellules de garde du site. Ces efforts sont prometteurs. «Avec nos nombreuses sensibilisations, les coupes de mangroves sont reconstituées et les prédateurs humains ont abandonné leur job. Nous avons institué des clubs Environnement dans des écoles », révèle-t-il. Les sensibilisations ont permis également la sauvegarde des écosystèmes de mangroves, à travers le développement des palétuviers rouges et blancs.

La divinité Zangbéto mise à contribution

De leur côté, les chefs traditionnels jouent un rôle déterminant dans la protection de l’île. La sacralisation des lieux fait partie des mesures prises. Elle se remarque aisément par l’affichage de ruban rouge et noir et quelques feuilles de pailles qui ceinturent les mangroves.

La divinité Zangbéto est mise à contribution et les consignes sont fermes : interdiction for- melle de couper les mangroves sur l’île. Celui qui foule aux pieds ces interdits subit la colère des dieux. « La rigueur qu’on applique à quiconque transgresse les règles en offensant le fétiche est sans complaisance. On peut aller jusqu’à le chasser du village », révèle Jean-Baptiste Lokossou Koumado, président de l’Association des Zangbéto de Avlo, commune de Grand-Popo. A en croire les acteurs, l’île aux oiseaux de Gbeffa sacralisée fait partie du circuit touristique développé dans cette réserve de biosphère et cette divinisation fait d’elle, le neuvième site sacralisé dans la réserve. Environ 503 hectares de mangroves sont mis sous la protection de la divinité Zangbéto. La démarche vaut la peine lorsqu’on connait le fort potentiel des mangroves. Elles représentent une diversité de plantes fournissant d’importants habitats aux différents types d’animaux.

Entre 1995 et 2005, dans cette région du département du Mono, la superficie de mangroves est passée de dix mille sept cent cinquante-quatre hectares à cinq mille huit cent huit hectares. Soit près de 50 % de mangroves détruites.

Cette menace a amené des Organisations de la société civile (Osc) à entreprendre des initiatives consistant à planter, restaurer et sacraliser les mangroves. Résultat, on est passé à sept mille huit cent quatre-vingt- deux hectares de superficie de mangroves en 2015. Un gap de 30 % reste à combler pour atteindre le niveau de 1995.

« Les mangroves permettent aux poissons de bien se développer ; elles procurent de l’air naturel et protègent les populations contre l’érosion côtière. Si on n’avait pas sacralisé les lieux, elles seraient déjà toutes détruites », fait savoir Jean-Baptiste Lokossou Koumado.

C’est l’association faîtière de conservation et de promotion Doukpo qui assure la gestion de cette réserve de biosphère du Mono. Son vice-président, Basile Amoussou Locossou, se désole du temps perdu. « Toutes les mairies du Mono ne connaissaient pas l’importance des réserves. L’Accb Bouche du Roy n’a été reconnue par les mairies qu’en 2016. Si elles avaient pris connaissance qu’elles étaient assises sur une mine d’or, elles auraient pris des dispositions pour valoriser ces sites ». Selon lui, il faut une synergie d’actions entre les mairies, les guides touristiques et l’association Doukpo pour freiner les visites touristiques informelles et mieux valoriser le site.