La Nation Bénin...
La nature est belle dans la réserve de
biosphère Bouche du Roy, grâce à l’attrait des oiseaux migrateurs de Gbeffa à
Grand-Popo. A la recherche de calme et de vie, ils viennent par centaines se
poser sur l’île, contribuant ainsi au développement touristique de la zone.
Des oiseaux chantant dans le ciel de la Réserve
de biosphère Bouche du Roy à Grand-Popo. Nous sommes derrière l’Ecole primaire
publique de ‘’Gbeffa’’, (la vie est douce) précisément sur l’île aux oiseaux.
La douceur des lieux, les oiseaux nicheurs migrateurs la savourent à plein
temps. Que le ciel soit nuageux ou ensoleillé, leur décor est un art : couleurs
blanche, kaki, cendre, noire, grise....
Les passionnés des oiseaux les contemplent à
satiété. Véritable attraction pour les touristes, le site de Gbeffa représente
tout un empire. Des dizaines d’espèces façonnent leur monde. Leur liste est
longue : cormoran, aigrettes gazettes, aigrettes ardoisées, grandes aigrettes,
marouettes, héron cendré, héron strié, héron pourpré, martin-pêcheur pie,
martin-pêcheur pygmée, chevalier guignette, jacana, canard d’eau, courlis,
sternes royales, passereaux (euplecte monseigneur, euplecte vorabé, euplecte
franciscain), coucal du Sénégal, bulbul des jardins, héron bihoreau, héron
crabier, noir cap loriot, pririt à collier, gonolek de barbarie, guêpier à
collier, touraco gris, tisserin, vanneau epironné, héron garde-bœuf ou pique
bœuf, héron intermédiaire, tourterelles à collier, cigogne à bec ouvert,
rapaces (aigres, milan noir, piac piac, corbeaux pi)..., toutes ces espèces
constituent des attractions pour le site. Elles viennent de partout et vont là
où le vent les emmène. Leurs chants mélodieux apaisent. D’une superficie de
4,304 ha, l’île de Gbeffa est l’une des merveilles de la réserve de biosphère
Bouche du Roy. Située dans le village d’Alongo, (premier village à l’ouest de
la réserve), elle est suffisamment couverte de man groves et abrite les oiseaux
de la réserve et des centaines d’autres espèces migratrices.
« L’île aux oiseaux est l’un des sites de la
Réserve de biosphère, qui fait partie du circuit biodiversité. La réserve
abrite plus de soixante-dix espèces d’oiseaux dont une vingtaine vivant
principalement sur l’île, considérée comme le noyau où séjournent le plus
d’oiseaux. La population de ces oiseaux est évaluée à plus de quarante mille
individus sur l’île », explique Lazare Dossa, spécialisé dans les visites de
l’Aire communautaire de conservation Bouche du Roy (Accb), président des guides
de tourisme de Grand-Popo.
L’île grouille en hiver
Difficile de déterminer avec précision
l’altitude à laquelle les oiseaux voltigent. Toujours est-il qu’ils volent et
volent dans l’air sur des milliers de kilomètres. En hiver, ils viennent par
centaines pour nicher dans les feuillages de mangroves et animer l’île, offrant
un magnifique spectacle aux touristes.
Leurs mouvements sont davantage perceptibles à
partir du mois de juin jusqu’en avril, en raison du froid dans leur pays de
provenance. « En Europe, tout est couvert de neige pendant l’hiver. Du coup,
ils migrent vers d’autres pays à la recherche de chaleur », souligne Ekué
Franck Affanou, assistant de projet à Eco-Bénin.
Il faut attendre le mois d’octobre pour vivre
une autre ambiance sur le site. En cette période, l’île grouille d’oiseaux.
Dans les prairies de la réserve Bouche du Roy, les oiseaux migrateurs sont
accueillis par les espèces autochtones (aigrettes, cormoran, martins-pêcheurs,
oiseaux au cou blanc noir, ...).
Les autochtones reviennent toujours à la source
après de longs périples ailleurs. Entre-temps, des ornithologues les ont bagués
(mettre un signe distinctif) afin e mieux tracer leur itinéraire.
« A partir de là, nous avons su que les oiseaux
prennent du temps considérable pour voyager dans le monde. Ils vont en
Belgique, en France, en Espagne.... Dans le même temps, les cigognes à bec
ouvert par exemple ne sortent pas de l’Afrique », développe Lazare Dossa.
Fientes et poissons pour pré- server
l’écosystème
L’île aux oiseaux sert également de zone de
frayère pour les poissons. Lazare Dossa explique le mode opératoire des oiseaux
en matière de préservation de l’écosystème : « Avant de s’installer, les
oiseaux analysent beaucoup les îles qui sont inondées à chaque marée. Etant
donné qu’ils sont des piscivores (se nourrissent de poisson), les fientes
qu’ils libèrent attirent certaines espèces de poissons qui viennent les manger.
Les oiseaux ne pouvant pas se déplacer pour aller chercher du poisson ailleurs,
descendent simplement aux pieds des mangroves sur lesquelles ils se situent
pour pêcher les poissons qui viennent manger les fientes». Même en période de
crue, les touristes ne se lassent pas d’aller plus loin sur l’eau afin
d’apprécier leur splendeur et de prendre également des photos. Ce n’est qu’à ce
moment que le bruit des moteurs des engins motorisés arrive à perturber la
quiétude des oiseaux « parce qu’ils n’y sont pas habitués ». L’ayant compris,
les piroguiers éteignent le moteur de leur pirogue à l’approche de leurs zones
d’occupation.
Un guide touristique est commis à chaque
circuit biodiversité. Le circuit dure trois heures de temps. Lazare Dossa,
président des guides de tourisme de Grand-Popo, est mieux placé pour évoquer
les atouts du site. « L’aire communautaire de conservation de la biodiversité
de la Bouche du Roy (Accb) contient plus d’une vingtaine d’îles, dont l’île aux
oiseaux de Gbeffa qui est plus fréquentée par les oiseaux. On enregistre en
moyenne, deux cent cinquante touristes par mois pour la visite de l’Accb », se
réjouit-il.
Les oiseaux nicheurs protègent l’homme
Les oiseaux nicheurs migrateurs jouent un rôle
dans l’équilibre de l’écosystème. Ils protègent les êtres humains. « Ces
oiseaux sont chargés de dévorer tous les insectes, surtout les insectes
nocturnes qui ont tendance à perturber l’homme. Si on devrait laisser le nombre
d’insectes que consomment les oiseaux par semaine dans la nature, la vie ne
sera pas facile à vivre. Si on tue un oiseau, c’est à peu près dix kilogrammes
de surplus d’insectes que l’on crée dans l’environnement », explique Ekué
Franck Affanou. Paradoxalement, les hommes les remercient souvent en monnaie de
singe. L’installation des filets de pêche à des endroits sensibles sur l’île,
la transhumance, la coupe des mangroves, sont quelques pressions anthropiques
sur l’écosystème. « Pour avoir des captures plus fructueuses, certains pêcheurs
vont au fond de l’île pour placer des pièges à poissons », dénonce-t-il.
Mieux, poursuit-il, la luxuriance «de la
mangrove n’empêche pas les communautés à la recherche de bois de chauffe de
couper les bois, parce que les mangroves ont un fort pouvoir calorifique. Or
pour les couper, il faut faire du bruit. A partir de cet instant, les oiseaux
fuient parce que se sentant menacés ».
Pourtant, la protection des oiseaux est
indispensable. Elle a pour but de sauver certaines espèces en voie de
disparition et de permettre à la postérité de mieux les connaître. D’où la
veille de Eco-Bénin. « Nous fai- sons de la sensibilisation et le reboisement
des bois d’acacia, des écosystèmes des mangroves. Il est envisagé dès les
premiers mois de 2024, un projet de mise en défense du site. Il permettra la
construction d’une clôture en bambou, afin de délimiter une bande de servitude,
de compléter le nombre d’espèces de palétuviers sur le site, de mettre des
panneaux d’interdiction et de faire des sensibilisations à grand public dans
les villages pour mieux protéger les espèces », développe Ekué Franck Affanou.
A cela s’ajoute la mise en place des cellules de garde du site. Ces efforts
sont prometteurs. «Avec nos nombreuses sensibilisations, les coupes de
mangroves sont reconstituées et les prédateurs humains ont abandonné leur job.
Nous avons institué des clubs Environnement dans des écoles », révèle-t-il. Les
sensibilisations ont permis également la sauvegarde des écosystèmes de
mangroves, à travers le développement des palétuviers rouges et blancs.
La divinité Zangbéto mise à contribution
De leur côté, les chefs traditionnels jouent un
rôle déterminant dans la protection de l’île. La sacralisation des lieux fait
partie des mesures prises. Elle se remarque aisément par l’affichage de ruban
rouge et noir et quelques feuilles de pailles qui ceinturent les mangroves.
La divinité Zangbéto est mise à contribution et
les consignes sont fermes : interdiction for- melle de couper les mangroves sur
l’île. Celui qui foule aux pieds ces interdits subit la colère des dieux. « La
rigueur qu’on applique à quiconque transgresse les règles en offensant le
fétiche est sans complaisance. On peut aller jusqu’à le chasser du village »,
révèle Jean-Baptiste Lokossou Koumado, président de l’Association des Zangbéto
de Avlo, commune de Grand-Popo. A en croire les acteurs, l’île aux oiseaux de
Gbeffa sacralisée fait partie du circuit touristique développé dans cette
réserve de biosphère et cette divinisation fait d’elle, le neuvième site
sacralisé dans la réserve. Environ 503 hectares de mangroves sont mis sous la
protection de la divinité Zangbéto. La démarche vaut la peine lorsqu’on connait
le fort potentiel des mangroves. Elles représentent une diversité de plantes
fournissant d’importants habitats aux différents types d’animaux.
Entre 1995 et 2005, dans cette région du
département du Mono, la superficie de mangroves est passée de dix mille sept
cent cinquante-quatre hectares à cinq mille huit cent huit hectares. Soit près
de 50 % de mangroves détruites.
Cette menace a amené des Organisations de la
société civile (Osc) à entreprendre des initiatives consistant à planter,
restaurer et sacraliser les mangroves. Résultat, on est passé à sept mille huit
cent quatre-vingt- deux hectares de superficie de mangroves en 2015. Un gap de
30 % reste à combler pour atteindre le niveau de 1995.
« Les mangroves permettent aux poissons de bien
se développer ; elles procurent de l’air naturel et protègent les populations
contre l’érosion côtière. Si on n’avait pas sacralisé les lieux, elles seraient
déjà toutes détruites », fait savoir Jean-Baptiste Lokossou Koumado.
C’est l’association faîtière de conservation et
de promotion Doukpo qui assure la gestion de cette réserve de biosphère du
Mono. Son vice-président, Basile Amoussou Locossou, se désole du temps perdu. «
Toutes les mairies du Mono ne connaissaient pas l’importance des réserves.
L’Accb Bouche du Roy n’a été reconnue par les mairies qu’en 2016. Si elles
avaient pris connaissance qu’elles étaient assises sur une mine d’or, elles
auraient pris des dispositions pour valoriser ces sites ». Selon lui, il faut une
synergie d’actions entre les mairies, les guides touristiques et l’association
Doukpo pour freiner les visites touristiques informelles et mieux
valoriser le site.