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Santé sexuelle et reproductive des jeunes: L’Abpf en alerte pour renforcer ses interventions sur le terrain

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Identifier les bonnes pratiques en termes d’implication... Identifier les bonnes pratiques en termes d’implication...

La question de la santé sexuelle des jeunes est devenue préoccupante au regard de la précocité observée en la matière et des conséquences désastreuses. Pour contribuer à l’éducation sexuelle des jeunes et adolescents, l’Association béninoise pour la promotion de la famille met en œuvre depuis 2022 une initiative de promotion de la santé et des droits sexuels et reproductifs. Au détour d’une tournée dans plusieurs localités du pays, instant d’échanges et de reddition de comptes, il ressort la nécessité de renforcer les actions et d’impliquer toutes les parties prenantes pour une prise de conscience des adolescents et jeunes.  

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 11 oct. 2023 à 07h56 Durée 8 min.
#Santé sexuelle et reproductive des jeunes #L’Abpf #interventions sur le terrain
Travailler pour un Bénin où chacun jouit pleinement d’une bonne santé, sans discrimination aucune, notamment de ses droits en santé sexuelle et reproductive et de justice en matière de genre. C’est la vision de l’Association béninoise pour la promotion de la famille qui travaille à défendre les droits en santé sexuelle et reproductive pour le bien-être de la population à travers la création d’un environnement favorable, la disponibilité, l’accessibilité des informations et services adaptés de qualité et l’innovation technologique. Elle mobilise pour ce challenge, 1370 Volontaires dont 1028 jeunes réunis au sein du Mouvement d'action des jeunes (Maj) et 114 employés dont 64 femmes. A chacune des étapes des ateliers de revue communautaire qu’elle a organisés dans le cadre de la mise en œuvre du projet Promotion de la santé droits sexuels et reproductifs Xwefa (Psdsr Xwefa), la délégation de l’Abpf s’est donné pour obligation de faire un flash-back aussi bien sur l’organisation que sur le projet, pour permettre à ses interlocuteurs d’en avoir une vue plus affinée. 
La zone d’intervention du projet au plan national couvre huit cliniques fixes ainsi qu’un vaste réseau de services à base communautaire composés de six cliniques mobiles, trente cliniques privées partenaires et plus de 500 centres de santé publics appuyés. Les ateliers de revue communautaire ont été organisés, selon Ibrahim Moussa, responsable du Département Stratégie et recherche de l’association, pour présenter les résultats du projet aux différentes parties prenantes dans les communautés, identifier les bonnes pratiques en termes d’implication de la communauté ainsi que les leçons apprises.
Des ateliers communautaires pour mieux impliquer les populations

Pour l’Abpf, la redevabilité constitue une valeur importante. Rien ici ne se décide pour et envers les communautés, sans leur implication. Dans le cadre de la mise en œuvre du Psdsr Xwefa pour la période 2022-2026, quinze communes ont été ciblées. Il s’agit de Cotonou, Porto Novo, Lokossa, Savalou, Parakou, Bassila, Natitingou, Djougou, Dogbo, Lalo, Klouékanmè, Toviklin, N’dali, Abomey-Calavi et Banikoara. 
... de la communauté ainsi que les leçons apprises
L’Abpf est allée donc donner la parole aux communautés concernées afin qu’elles fassent des « commentaires sur le projet ». Pour Ibrahim Moussa, responsable du département Stratégie et recherche, la redevabilité envers les communautés, les bénéficiaires, les jeunes et les partenaires, revêt une importance capitale pour l’Abpf. « Vos opinions, observations et analyses pour améliorer ce qui est fait nous préoccupent. Nous sommes là pour un exercice de redevabilité », lance-t-il aux participants à l’atelier dans les locaux de l’association à Dogbo pour expliquer le bien-fondé de l’initiative. Le bilan à mi-parcours du projet et les actions à engager pour mieux impacter les bénéficiaires l’intéressent aussi. Dans le cadre de l’élaboration prochaine du Plan de travail annuel (Pta), il juge indispensable la prise en compte des attentes et doléances des bénéficiaires du projet. 
Les ateliers de revue communautaire organisés dans ce cadre ont permis aux acteurs de s’ouvrir sur l’utilité d’un tel projet, mais aussi d’exprimer des attentes. Les élus locaux, par exemple, entendent s’impliquer davantage. Ces gouvernants à la base qui s’identifient comme le premier niveau de décision dans les communautés ont aussi une part importante à prendre, estime René Gbaguidi, un des chefs village participant à l’atelier à Savalou. Selon lui, la question de la santé sexuelle des jeunes est devenue un sujet préoccupant dans sa localité en raison du nombre de jeunes artisanes qui se retrouvent du jour au lendemain avec des grossesses sur le bras. Celui-ci assure qu’ensemble avec les conseillers, ils en discutent régulièrement et ne manquent pas de sensibiliser les parents. Ils vont parfois au-delà et tiennent la même démarche vis-à-vis de certains responsables d’atelier. Les impliquer davantage dans les actions à déployer sur le terrain permettra d’intensifier les actions en cours et d’en initier de nouvelles, suggère-t-il. Une proposition qui cadre bien avec les ambitions de l’association qui, en initiant cette descente sur le terrain, entendait identifier les éléments de succès et les faiblesses des différentes stratégies dans lesquelles la communauté est impliquée ainsi que les leçons apprises. Ces séances de revue ont pris en compte les différentes parties prenantes du projet dont les pairs éducateurs, les responsables d’atelier, des directeurs d’écoles, des chefs villages/quartiers, des responsables des cliniques partenaires, des responsables de zones sanitaires, des relais communautaires, des responsables de Centres de Promotion Sociale, des responsables de cliniques Abpf, des clients, des animatrices…  « Les principaux résultats du projet seront partagés à tous ces acteurs afin de collecter leur feed-back et leurs recommandations pour atteindre de grandes performances sur le projet dans leurs zones respectives », soutient l’association.
La Santé sexuelle et reproductive des jeunes préoccupe 

Bohicon, Savalou, Dogbo, Lokossa. Ces quatre communes ont permis de faire une cartographie de la mise en œuvre du Psdsr-Xwefa, mais surtout d’échanger avec les acteurs y compris les jeunes pour comprendre leurs difficultés, leurs besoins, leurs attentes mais aussi leurs suggestions. Qu’il s’agisse des apprentis artisans ou encore des élèves, la préoccupation demeure la même. Les adolescents et les jeunes sont exposés à de nombreux risques si la bonne information sur la sexualité ne leur parvient pas pour les aider à adopter des comportements responsables. Henri Hondjo, président des relais communautaires de la commune de Dogbo qui travaille depuis longtemps au sein de sa communauté, présente le cas des jeunes comme « une situation particulière ». Le plus gros challenge, révèle-t-il, c’est d’amener les jeunes à prendre conscience de leur sexualité. Un exercice a priori difficile mais qui devient aisé, dès lors qu’un centre de l’Abpf se trouve implanté. « Il est plus facile pour nous de dialoguer avec les jeunes et de les orienter ensuite vers le centre pour qu’il se fasse écouter et prenne des renseignements. Mais lorsque le jeune a déjà contracté par exemple une infection sexuellement transmissible et tente de se cacher, nous lui expliquons qu’il n’y a ni maladie honteuse ni maladie mortelle et que tout est une question de prise en charge ». Ce discours fait son effet, confesse ce relai communautaire qui invite ses pairs à ne pas baisser les bras. 
Accompagner l’éducation sexuelle des jeunes et des adolescents

A Savalou, la situation ne varie pas vraiment. Autant que les élèves, les apprentis-artisans dans les centres de formation et les ateliers constituent une cible pour laquelle le Psdsr-Xwefa travaille sans relâche... ... Face à la délégation de l’Abpf, coiffeuses, couturiers, couturières… n’ont pas eu leurs langues dans la poche. Ils ont marqué leur disponibilité à ouvrir plus grandes les portes de leurs ateliers pour recevoir les séances d’échanges et de sensibilisation avec leurs apprentis, afin de les aider à mieux se prendre en charge. A Lokossa, la situation des élèves est revenue maintes fois dans les échanges au cours de l’atelier communautaire. Situation qui ne diffère pas vraiment de celles des autres communes. Sauf qu’ici, beaucoup de pesanteurs sociologiques rendent un peu plus difficiles les actions du projet. La féodalité, la chosification de la femme, les mariages précoces par endroits, les violences basées sur le genre ont encore la peau dure. Les échanges avec la communauté ont donc permis d’identifier les résistances et les zones attenantes et d’envisager ensemble avec les acteurs, les moyens d’agir plus efficacement. 
« Parent-modèle » : un modèle inspirant 

La terminologie pourrait surprendre à première vue.  A croire que certains parents ne seraient pas des modèles ? L’Association béninoise pour la promotion de la famille dans le cadre de la mise en œuvre du projet Promotion de la santé des droits sexuels et reproductifs Xwefa (Psdsr Xwefa) promeut le concept « l’école des parents » d’où se dégagent des parents-modèles pour accompagner l’éducation sexuelle des jeunes et des adolescents, mais aussi pour la promotion du dialogue parent-enfants. Pour en arriver là, de nombreux parents ont été sélectionnés et formés dans plusieurs arrondissements du pays afin de dégager la cohorte des « Parents-modèles » engagés aux côtés de l’Association pour gagner le pari d’une sexualité exemplaire chez les adolescents et les jeunes et les aider à s’extirper des griffes d’une sexualité précoce, bâclée, mal gérée… Après plusieurs mois de mise en œuvre, le projet fait bonne route. Les acteurs de la mise en œuvre du Psdsr Xwefa saluent l’ingéniosité de cette trouvaille qui vient renforcer les actions.     
« L’éducation sexuelle des enfants compte pour beaucoup dans nos actions. En cela, nous comptons beaucoup sur les parents », explique Cyriaque Chabi, président de l’Abpf à Bohicon. D’une localité à une autre, la réalité ne change pas. A Savalou, les parents-modèles existent aussi et se montrent très engagés. Eve Gbaguidi, sage-femme nutritionniste, se dit satisfaite de l’impact de leurs actions dans sa communauté. Grâce à leur engagement, de nombreuses jeunes apprenties sont instruites sur des comportements sexuels responsables et parviennent de plus en plus à achever leur cycle d’apprentissage sans qu’une grossesse non désirée vienne en réduire le cours. Le projet plait bien à cet agent de santé qui dit apprécier l’engagement des parents commis à cette tâche. A l’heure où dialoguer avec les enfants est un exercice « difficile pour les parents », elle pense que les « Parents-modèles » ont un grand rôle à jouer sur un double plan. D’abord en direction des enfants de la communauté ou de tous les enfants en général, mais également envers les autres parents. 
« Les parents n’ont pas le courage nécessaire pour parler de thématiques relatives à la sexualité avec les enfants. Dans une localité comme Savalou, la majorité de la population est analphabète et il leur est difficile de concevoir qu’il faut dialoguer avec les enfants sur des sujets aussi tabous », relève la sage-femme. Mais pour les « Parents-modèles » à l’œuvre dans cette localité, il n’y a point d’embûches insurmontables. Pour se faciliter la tâche, des séances sont initiées à l’endroit des parents eux-mêmes. « Ils sont écoutés, puis formés et renseignés sur les manières et méthodes sur lesquelles ils peuvent aborder les sujets liés à la Ssr avec leurs enfants et même avec les autres enfants de leur cadre de vie », renseigne un relai communautaire. Dans les localités couvertes par le Psdsr Xwefa, les parents-modèles se déplacent dans les familles, rencontrent parents et enfants pour mettre chacun devant ses responsabilités, les aider à engager et entretenir le dialogue. A ces occasions, on se rend compte des difficultés qui empêchent une bonne communication entre les deux parties et on les aide à trouver le moyen et les créneaux pour dialoguer, explique Cyriaque Chabi, président de la région centre de l’Abpf. 
Dans les quatre localités retenues pour les ateliers de revue communautaire du 5 au 8 septembre dernier, les acteurs ont été unanimes sur l’utilité d’une telle initiative et ont appelé aussi bien à sa pérennisation qu’à l’amélioration de l’offre existante. Ce que souhaitent les points focaux, relais communautaires, jeunes ou autres responsables de centres, c’est la duplication de l’initiative dans tous les arrondissements du pays, de sorte que les parents-modèles n’aient pas à sillonner de nombreux arrondissements. 
Véronique Padonou, enseignante à Savalou et présidente des femmes enseignantes de la localité, appartient à cette cohorte de parents. Sa mission, elle la prend au sérieux et agit à tous les niveaux possibles, y compris en dehors du cadre professionnel. Il n’est donc pas rare de la voir interpeller des jeunes dans la rue pour échanger avec eux, les entretenir sur des sujets relevant de leur sexualité et même au besoin, les réprimer s’il le faut ou au cas où elle suspecte des attitudes en défaveur d’une vie sexuelle responsable. Mais c’est surtout à l’endroit de ses apprenants que l’enseignante des Sciences de la vie et de la terre mène des actions corsées. Les collèges et les moments de cours sont des occasions privilégiées pour échanger avec les élèves, les écouter et les conseiller, soutient-elle. Pour mieux impacter sa cible, elle aborde le sujet sur la sexualité dès la classe de Sixième. Un chapitre lié à la reproduction est certes au programme en classe de Troisième, mais « il est déjà tard », fait observer l’enseignante. Selon elle, il faut dès la base entamer les discussions pour gagner le pari des comportements responsables chez les adolescents. « Quand ils arrivent en Troisième, ils sont déjà assez grands, en savent déjà beaucoup… Mais généralement, ils n’ont pas la bonne information », indique-t-elle. 
La stratégie « Parents-modèles » est donc une initiative promise à un bel avenir, il convient de l’élargir pour que toutes les localités du pays en soient bénéficiaires, ont plaidé les acteurs. Henri Hondjo, président des relais communautaires de Dogbo souhaite que beaucoup de parents bénéficient de la formation, même s’ils ne seront pas retenus in fine comme parents modèles. Cela aura, espère-t-il, l’avantage d’en outiller un grand nombre. Autant de demandes qui ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd, et qui seront prises en compte, assure le responsable du département Stratégie et Recherche. C’est toute l’utilité de ces séances de reddition de comptes pour mieux orienter le projet sur le reste de sa durée, afin d’impacter plus de jeunes et d’adolescents, a-t-il expliqué à chacune des étapes de la tournée. 
Suggestions et recommandations 

De Bohicon à Savalou en passant par Dogbo et Lokossa, les cibles impliquées dans la mise en œuvre du Psdsr Xwefa louent l’avènement du projet. Si les acteurs sont demandeurs d’autres phases pour des résultats plus encourageants, c’est sans doute au regard de son effet sur la vie sexuelle et la santé des adolescents et jeunes. Sur leur parcours, Ibrahim Moussa, responsable du département Stratégie et Recherche de l’Abpf et sa suite ont fait l’objet de félicitations pour le suivi du projet. 
Cette once de satisfaction voile tout de même de nombreuses espérances que les bénéficiaires attendent de voir comblées. Ils ont ainsi formulé des recommandations au cours des ateliers organisés dans les locaux des centres Abpf avec la participation d’acteurs variés. Lesquels acteurs ont, par exemple, suggéré la multiplication des séances d’Ess et des campagnes promotionnelles d’offre de services de Sr/Pf. Toujours en vue de contribuer à l'amélioration de la santé et des droits sexuels et reproductifs des adolescents, la mise en place de l’école des parents dans toutes les communes et la promotion de la masculinité positive ont été suggérées. Aussi, les participants à ces ateliers souhaitent-ils l’augmentation du nombre de binômes parents-modèles et le renforcement des capacités des relais communautaires. Orienter davantage les offres de services vers les adolescents, renforcer les échanges au sein des communautés, mobiliser les leaders d’opinion, impliquer beaucoup plus les communautés pour plus d’efficacité, actualiser les matériels de sensibilisation, doter les parents-modèles de moyens financiers, intensifier les actions de plaidoyer et les sensibilisations au sein des groupes cibles… sont autant de suggestions faites tout au long des quatre étapes de ces ateliers. La formation et la sensibilisation des élus locaux, l’installation de supports de diffusion de messages et des émissions radiophoniques sont également des actions qui pourraient être mises en œuvre. Enfin, il a été convenu d’investir davantage les collèges, et ce dès les premiers jours de classes, pour des actions de sensibilisation. L’implication des parents dans les activités liées au dialogue avec les jeunes est tout aussi cruciale.