La Nation : Qu’entend-on par repos biologique ?
Juste Djagoun : Le repos biologique est l’acte par lequel on décide de la non-exploitation d’une ressource halieutique dans un environnement donné, pendant une période donnée. Le repos biologique peut être décrété par les utilisateurs de la ressource parce qu’ils veulent lui laisser un temps afin de lui permettre une meilleure reproduction. Il peut être décrété par une autorité en charge de la gestion de cette ressource, les démembrements de l’Etat ou les structures de l’Etat à qui il a confié cette charge. En d’autres termes, le repos biologique permet à une ressource naturelle donnée de ne plus être exploitée pendant un temps de sorte que la population de cette espèce puisse se développer et permettre une exploitation après le temps correspondant à la période de repos biologique. On tient compte de deux paramètres pour définir le repos biologique. Dans un premier temps, de la période de repos favorite de l’espèce (le moment privilégié de reproduction) dans une année.
Le second élément, c’est la durée de la reproduction. Pour une espèce qui a besoin d’un ou de deux mois pour se reproduire et avoir des juvéniles qui deviendront autonomes, si nous ne la situons pas dans un repos biologique de deux semaines, cela veut dire que nous n’allons pas pouvoir atteindre notre objectif parce que ces espèces, jeunes ou matures, n’auront pas le temps de boucler le cycle de repos biologique avant que la pression d’exploitation ne recommence. Il faut pouvoir identifier dans une année, les périodes de reproduction favorables aux différentes espèces et le temps que dure la période de reproduction, afin que le repos biologique puisse être davantage efficace.
Pourquoi un pays décrète-t-il le repos biologique ?
Le repos biologique peut être décrété à divers niveaux. (Ça peut venir de l’Etat ou des communautés locales). On le décrète pour régler un problème lié à la pêche ou pour assurer la durabilité de la ressource. Cela peut être lié à une surexploitation ou à une utilisation contrôlée de la ressource mais dont on souhaite la pérennité. C’est une précaution pour éviter la disparition de l’espèce. Il s’agit d’un dispositif de contrôle pour éviter le déclin de la ressource et favoriser son exploitation à long terme. Donc en la matière, on peut parler de traitement préventif et curatif.
En quoi la fermeture saisonnière de la pêche est-elle bénéfique ?
La fermeture saisonnière de la pêche est bénéfique dans la mesure où elle permet aux espèces halieutiques de pouvoir se reproduire sans être menacées. Ce processus de reproduction permet à des juvéniles de recoloniser l’environnement naturel. Cette fermeture donne la chance à un nombre plus important d’espèces halieutiques adultes de pouvoir se reproduire avant d’être exploitées. La fermeture saisonnière contribue à la durabilité de la pêche. Elle aide les espèces halieutiques à boucler leur cycle de reproduction. Pour que cette fermeture soit bénéfique, elle doit cibler la période de l’année correspondante et être programmée sur une durée adéquate.
Quels sont les indicateurs suivant lesquels on apprécie les avantages du repos biologique ?
L’intérêt du repos biologique est d’avoir plus de ressources halieutiques dans un environnement donné. Son intérêt se mesure à partir des efforts de pêche que les pêcheurs déploient après une fermeture saisonnière. On peut l’apprécier sur la base des quantités de poissons que les pêcheurs arrivent à ramener à la phase d’ouverture de la pêche. Si après une période de repos biologique, on se rend compte que l’effort de pêche a diminué et que les poissons sont devenus plus abondants, on peut conclure que l’approche a été bénéfique.
En quoi le repos biologique peut-il être une solution à la durabilité de la pêche et à la sécurité alimentaire ?
Le principal objectif du repos biologique, c’est de garantir la durabilité de la pêche. C’est en fait un mécanisme pour assurer une disponibilité continue de poissons de sorte que le capital minimum qui doit se reproduire ne soit pas exploité pour entacher l’utilisation durable de la ressource. La pêche contribue à une part importante du Pib des pays. Dans les zones rurales qui ont un potentiel en matière de pêche, on se rend compte que les communautés dépendent à plus de 60 % de cette activité pour leur suivi. Si à un moment donné, la pêche venait à ne plus être durable, cela veut dire que les revenus des communautés s’amenuisent, parce que les populations pêchent moins de poissons. Lorsque ce problème se pose à l’échelle d’un village ou d’une communauté, cela peut créer une insécurité alimentaire grave, du fait de la baisse drastique des revenus des populations.
Quelles sont les mauvaises pratiques de pêche que vous relevez ?
Les mauvaises pratiques tiennent de l’amenuisement des ressources halieutiques. Elles concernent tous les dispositifs de pêche que la loi en la matière interdit, mais qui sont utilisés par les populations dans le cadre de la pêche. On peut évoquer les barrages, communément appelés ‘’hwa’’ (dispositifs individuels que les communautés utilisent au niveau de la lagune et qui collectent une quantité importante de poissons). Il y a également la technique de ‘’acadja’’ (qui s’apparente à la création d’un étang piscicole individuel au niveau du plan d’eau et où seul le propriétaire est habilité à pêcher). Cette technique ne favorise pas un accès équitable aux ressources. On peut ajouter l’utilisation des filets à mailles fines, des filets de type moustiquaire qui ramassent les individus matures en âge d’être consommés, mais également des individus non matures qui ne sont pas aptes à être consommés. En dépit de toutes les sensibilisations, les populations développent de nouvelles techniques de pêche qui ne promeuvent pas la pêche durable et qui sont susceptibles de racler le peu de ressources halieutiques encore disponibles dans les plans d’eau.
Que faut-il faire pour faire adhérer davantage les pêcheurs et les communautés côtières à cette cause ?
En plus des sensibilisations, il faut organiser des visites d’échanges au profit des communautés vers des zones qui sont des exemples de bonne gestion en matière de pêche durable afin de susciter en elles, une prise de conscience véritable et durable. Dans un contexte de pauvreté, il est difficile de raisonner les communautés. Il est difficile d’expliquer à un ‘’ventre affamé’’ de laisser le poisson grandir avant de le capturer. Il faut envisager les solutions en direction des communautés locales dans une approche holistique en y intégrant plusieurs aspects de la vie des ménages, afin de faire diminuer la forte pression qu’elles exercent sur les ressources halieutiques. Ces solutions doivent les aider à diversifier leurs revenus afin de limiter leur dépendance de la pêche.
Si nous arrivons à sensibiliser les populations à cette thématique, nous devons également les aider à avoir des sources alternatives de revenus additionnels afin que les interdictions liées à la pêche n’affectent pas leurs revenus, leur condition de vie et leur bien-être social?