La Nation Bénin...
La réforme structurelle de la décentralisation, marquée surtout par la création du poste de secrétaire exécutif des mairies au Bénin, fait son petit bonhomme de chemin. Plus d’un an après sa mise en œuvre, les premiers impacts sont visibles dans les communes du Borgou et de l’Alibori.
Le Bénin tient enfin les clés du développement à la base, avec la loi N° 2021-14 du 20 décembre 2021, portant code de l’administration territoriale en République du Bénin. La grande innovation, c’est l’avènement, depuis vendredi 1er avril 2022, de nouveaux acteurs notamment les secrétaires exécutifs des communes.
Ce qui consacre désormais la séparation des fonctions politiques de celles administratives et techniques au sein de l’administration communale. Plus d’un an après la mise en œuvre de cette réforme structurelle dans le secteur de la décentralisation, le bilan dans les communes du Borgou et de l’Alibori augure, malgré quelques difficultés, de perspectives prometteuses.
L’apprentissage de la séparation des
pouvoirs
La réforme de la décentralisation met fin à la politisation à outrance de la gestion de l’administration communale et aux pratiques peu orthodoxes constatées lors de la passation des marchés. L’option a été faite de décharger les élus des fonctions qui les mettaient en délicatesse avec les principes de bonne gouvernance. Désormais, il existe deux organes délibérants, le Conseil communal et le Conseil de supervision. A leurs côtés, un organe administratif et technique qui se résume au secrétariat exécutif a également vu le jour. Il est chargé de mettre en œuvre les orientations et les décisions des organes délibérants.
A sa tête, le secrétaire exécutif a, après
avoir été tiré au sort, hérité d’un certain nombre de pouvoirs comme la gestion
des ressources humaines et financières. En tant qu’ordonnateur du budget
communal, il est chargé des tâches de mobilisation des ressources et
d’exécution des dépenses. A ce titre, il est au centre de la mise en œuvre de
la politique et des programmes de développement local.
Dans le Borgou et l’Alibori, les secrétaires exécutifs des mairies assurent avoir appréhendé l’immensité de la tâche qui leur incombe et les responsabilités qui pèsent sur leurs épaules. Eric Franck Mongbo, secrétaire exécutif de la mairie de Gogounou, rappelle que le président de la République, au cours de son discours sur l’état de la nation, le 8 décembre 2022, a précisé que cette réforme a été instaurée pour mettre les communes en compétition. « C’est un défi qu’il nous a lancé. Nous avons l’obligation de le relever», confie-t-il.
Déjà au charbon
C’est donc à juste titre que, aussitôt après
leur entrée en fonction, les secrétaires exécutifs des communes du Borgou et de
l’Alibori se sont rapidement mis à l’ouvrage. En témoigne le bilan réalisé par
chacun d’eux, après une première année passée à leur poste. Ils ne se sont pas
reposés. Tous ont préféré prendre le taureau par les cornes.
A l’instar de Térence Kpassèlokohinto, secrétaire exécutif de la mairie de Nikki, Cyr-Renald Cobamidé à Pèrèrè, Arnos Sossou à Tchaourou, Eric Franck Mongbo à Gogounou, et Wilfried Hounkpon Agoli-Agbo à Banikoara, ont d’abord fait l’état des lieux de l’administration de leurs communes respectives, avant de procéder à sa réorganisation. Ont suivi des séances pour mettre le personnel en confiance, puis l’instauration d’un cahier de contrôle des présences. L’objectif, soutiennent-ils à l’unanimité, est de remettre le personnel au travail.
Une des importantes mannes financières de la municipalité de Parakou
« Pour marquer la présence de l’Etat dans
cette commune frontalière au Nigeria, où c’est le naira qui a surtout cours,
j’ai fait rentrer la cérémonie de la montée des couleurs, tous les lundis à
7h45, dans les habitudes du personnel. J’ai également instauré l’inscription
dans le registre de présences et le cahier de sorties, sans lesquels
l’administration ressemblait à la cour du roi Pétaud », a laissé entendre Rose
Sébastienne Gbassi, secrétaire exécutive de la mairie de Sègbana. « Ce que nous
avons constaté à notre prise de fonction, c’est qu’il y avait un découragement,
un désintéressement et un dégoût pour la chose publique au niveau du personnel
», soutient son homologue de Kandi, Antoinette Aoudi.
Acquéline Béhanzin, secrétaire exécutive de la
mairie de Bembèrèkè, a suivi la même démarche, celle consistant à remobiliser
le personnel autour des objectifs de développement. « A travers des échanges
qui nous ont permis de faire ensemble le diagnostic, direction par direction,
nous avons saisi l’occasion pour identifier les attributions qui sont fortement
exercées et celles qui l’étaient le moins, ainsi que les grands défis. Les
résultats de ce travail, avec des propositions d’actions, ont été restitués au
Conseil de supervision. Nous avons également déployé un certain nombre d’outils
dont l’élaboration des fiches de poste pour tous les agents, assorties des
objectifs de performances annuelles à évaluer », poursuit-elle.
A Parakou, le secrétaire exécutif de la
municipalité a assigné des contrats d’objectifs aux différents cadres appelés à
l’accompagner dans l’accomplissement de
sa mission. « Nous avons eu la chance d’avoir tous les outils de planification
en place. Il fallait les arrimer aux enjeux de la réforme. Ce que nous nous
sommes attelés à faire avec le concours des différents cadres », avoue
Hyacinthe Elégbédé.
En dehors du personnel, les secrétaires
exécutifs ont également rencontré et sensibilisé les couches
socioprofessionnelles, les membres des associations et de la société civile. Au
terme de cette prise de contact, la secrétaire exécutive de la mairie de Sègbana
a recensé et inscrit dans son plan de travail, les problèmes soulevés.
A ces actions, s’ajoutent des initiatives
prises dans le cadre de l’assainissement de leurs communes, des séances de
reddition de comptes, la poursuite et l’achèvement de certaines infrastructures
communautaires dont les travaux étaient en cours. Ailleurs, les secrétaires
exécutifs ont fait avancer des chantiers qui étaient en souffrance, puis lancé
le processus d’élaboration du Plan de développement communal 4e génération de
leurs communes. Tout cela, grâce aux directives et orientations de leurs maires
et conseils communaux.
Un autre défi qui s’est imposé à certains secrétaires dans le Borgou et l’Alibori, à leur entrée en fonction, a été le report de crédits traduit par la non-anticipation dans la consommation des fonds Fadec, malgré la disponibilité des ressources. Toutefois, des solutions ont été trouvées pour l’utilisation rationnelle de ces ressources. Sur le terrain, les secrétaires exécutifs des communes du Borgou et de l’Alibori travaillent à l’amélioration des ressources propres, en rivalisant d’initiatives.
De la mobilisation des ressources
Venus, pour la plupart, retrouver des plans
stratégiques de mobilisation des ressources en place, ils n’auront eu qu’à les
actualiser et les renforcer au regard du nouveau contexte. Ailleurs, il a fallu
les élaborer.
Mais partout, ils ont d’abord cherché à avoir
une idée du potentiel économique de leurs communes. A cette fin, un recensement
des "gisements" de taxes au niveau des marchés, des carrières et des
ressources minières, ainsi que des différentes valeurs inactives et des
infrastructures marchandes a été effectué. Il s’agit des niches et des
opportunités qui s’offrent, mais qui n’avaient jamais été explorées.
« En dehors des recettes classiques, fiscales
et non fiscales, l’emphase a été mise sur certaines ressources dormantes telles
que les autorisations de construire et de démolir qui, jusque-là ne généraient
aucune recette au profit de la commune. Leur paiement a commencé par rentrer
dans les habitudes. Il y a également le foncier. Aujourd’hui, la délivrance des
actes est redevenue réalité. A notre arrivée, tout était en suspens », alerte
Hyacinthe Elégbédé, Se de la mairie de Parakou.
Pour ce faire, les populations et les organisations des acteurs économiques à divers niveaux, ont dû être sensibilisées. Il y a ensuite eu le recrutement des agents collecteurs ou le renforcement de leurs effectifs.